"Vous avez entendu parler de l'accident sur le périph' ?"
"Ben moi une fois, j'ai vu un accident, ben le conducteur avait été pendu par sa ceinture !"
"Eh ben moi, j'ai vu une voiture foncer sur une moto, ben le motard, il a volé !"
"Ah oui, moi aussi, la voiture elle arrivait..."
"C'est dangereux, la moto."

Et Zizanie de se planter les ongles dans les paumes et de fermer sa gueule.
Plaie grande ouverte.
Il y a des blessures qui ne cicatrisent jamais.

Alors c'est décidé, je ne laisserai plus mes fantômes m'empêcher d'avancer.

Commençons par le premier.
Je veux remonter sur une moto.
Il paraît que ça s'oublie pas, comme le vélo.
Sauf que, je suis morte de trouille.
Et que le vélo, j'ai réussi à l'oublier.

Je n'ai plus peur de l'oublier. Lui. Je sais maintenant que ce genre de traumatisme reste ancré pour toujours. Je ne l'oublierai pas. Je n'oublierai pas non plus pourquoi il n'est plus là.
Mais je veux quand même voir si j'en suis capable.
Puisque je ne me sens pas de conduire une bagnole. Mais alors vraiment pas.
Puisque j'aime avoir un truc qui vibre entre les cuisses (hum).

Seulement, je n'y arriverai pas toute seule. J'ai besoin d'être guidée. Qu'on m'aide à prendre confiance, surtout. Alors c'est décidé, je vais passer mon permis moto.
Je ne sais pas quand. Quand j'aurai de quoi me le payer, surtout. Il me reste moins de dix euros sur mon compte bancaire pour finir le mois. Alors c'est pas pour tout de suite.
Tout ce que je sais, c'est que personne n'en saura rien.
Je me mets suffisamment la pression toute seule.

J'en ai assez d'avoir peur de tout. J'en ai assez de ces foutus démons qui me tétanisent. Il n'y a pas de raison. Moi aussi, je peux y arriver.