En effet, j'aurais pu.
J'ai même pas essayé.

Ça s'est terminé sur une note âcre. Je quitte ce stage avec un mauvais goût dans la bouche. Une page est tournée. Je passe à autre chose. Enfin pas tout à fait. Il me faudra y retourner. Ces abrutis ont perdu toute la paperasse qu'il doivent remplir pour le diplôme. L'administration. Et mes éternelles angoisses. Qui n'ont cessé de croître quand j'ai retrouvé le foyer familial. Qui a pris feu depuis longtemps. Il est consumé.

<interlude>

Une dame qui m'arrête dans le métro.
"Excusez-moi, vous avez de très beaux cheveux."
C'est un peu tout ce que j'ai. Ça et mes ongles violets.
Et puis, plus tard, un très charmant garçon qui me fait la conversation. Je n'ai même pas pris la même de me maquiller. Mais j'ai les cheveux propres.

D'où je suis, j'ai la tour TF1 qui rentre exactement dans l'encadrement de la fenêtre. Ils n'ont pas la lumière à tous les étages. Gainsbourg me murmure des mots à l'oreille. Il fait encore nuit, plus pour très longtemps.

</interlude>

Une Bambi qui quitte la colocation pour. Et un frangin dans un état lamentable. Je ne peux rien faire pour lui. Sauf. Je joue ma dernière carte. Si je m'y prends bien, il acceptera de la remplacer. Et quittera ainsi les griffes de la despote. Pour atterrir dans les miennes. Ce sera plus simple pour agir. Sois convaincante, Zizanie. Même si tu n'y tiens pas, à cette cohabitation avec ton frère. Avec lequel tu te fous sur la gueule chaque fois que tu le croises. Parce que t'en peux plus, de le voir dans cet état. Et puis, il y a des sphères qui ne se mélangent pas.
Seulement, si tu ne tentes rien maintenant, demain il sera trop tard.

Sauve ta peau et dis oui, bordel. Tu sais que c'est ce qu'il te faut faire. Tu ne vois pas qu'elle est en train de te détruire. Comme elle a essayé de le faire avec moi. Eloigne-toi de là. Et peut-être bien qu'elle, elle réagira enfin, quand tu ne seras plus son alibi. Bien sûr que j'ai essayé. La compassion, aussi. De la secouer, évidemment. Et puis aujourd'hui, mes oreilles filtrent automatiquement ce qu'elle me raconte, dès qu'elle ouvre la bouche. En grande partie pour me parler médecin et médicaments. Regarde l'état dans lequel je suis, Zizanie. Regarde l'état dans lequel vous m'avez mis, toi et ton frère. Moi aussi, j'ai essayé. Mais c'est elle la mère. J'arrête d'inverser les rôles.

Non, je ne prends pas le sien. Il est hors de question que je te materne, que j'anticipe les choses à ta place et que je te couve. Je te propose juste de te laisser de l'espace pour vivre. Et je pense que tu pourras le trouver dans le Grand Nord Hostile. On part pour un an. Juste un an. C'est le contrat. Un an où tu devras assumer un loyer. Soit en reprenant tes études, soit en trouvant du boulot. Et donc mettre le nez dehors. Rencontrer des gens. Un an où tu devras gérer tes lessives et remplir le frigo pour pouvoir te servir dedans. Un an dans une autre ville. Où tu peux tout recommencer. Et puis partir, si ça ne te convient pas. Je veux une réponse avant la fin de la semaine. Je te propose un tremplin. Vole, petit frangin.