C'est dingue. Je n'avale plus rien depuis des semaines. Plus rien ne passe, à vrai dire. Il suffit que je débarque chez la despote pour que je me mette à ingurgiter compulsivement le contenu des placards. Que je dégaine mon numéro de carte bleue sur tous les sites que je visite. Que je sorte m'éclater le crâne avec toutes sortes de substances. Fairy dust.

Non, ça ne va pas.
J'ai l'impression d'être une cocotte-minute sur le point d'exploser. Je deviens folle.

Je ne sais pas comment je vais m'en sortir. Mon semestre à valider. Et pas seulement celui-là. C'est vraiment pas gagné. Ma recherche de stage qui n'aboutit pas. Pour changer. Et le temps passé à organiser la révolution. Au moins. La casse de la Convention Collective 66 ne leur suffisait pas, ils tirent sur les étudiants, maintenant. Non mais on n'est pas rendu, avec une ministre pareille. Suppression des gratifications, sous prétexte de faciliter la recherche de stage. Et d'éviter de filer des sous, surtout. De un, manque de reconnaissance de notre boulot de stagiaire. Ouais, parce qu'un stagiaire, ça bosse pour de vrai. Quand t'as un gnome en crise, un coup de speed, des trucs à aller chercher, à faire dans l'urgence, tu n'es plus stagiaire du tout. De deux, c'est pas comme si la précarité étudiante, ça n'existait pas. Et concrètement, si la loi passe, nombreux sont ceux qui ne pourront pas assurer leur diplôme. Et donc, la troisième année passe à la trappe. Parce que plus de bourse, des frais supplémentaires, etc., etc., et c'est un vrai problème. Non mais j'sais pas si y'en a qui se rendent compte qu'une bonne partie des étudiants vit avec moins de cinq cents euroballes par mois ? Loyer, factures, bouffe compris. Inutile de préciser que les cinq fruits et légumes par jour, c'est pas la priorité. Comment on peut réussir sans équilibre alimentaire, avec des nuits courtes voire blanches, des semaines chargées, et une pression d'enfer ? Donc, la révolution. Bref, de l'énergie à dépenser, alors que ce qui occupe les gens, c'est d'aller en cours et de rendre leurs travaux à temps. Plus que l'avenir des étudiants, et surtout des étudiants de leur promo. J'arrive pas à concevoir que la précarité étudiante ne parle pas aux travailleurs sociaux, ça me dépasse.
Vais me suicider et je reviens.