Il déterre l'autre Zizanie. Le sourire épinglé sur le visage. J'ai tout pour être heureuse, alors je n'ai pas le droit de montrer que je ne le suis pas. Ce serait déplacé.
Sous le sapin, dans un grand carton avec inscrit dessus. Fragile. Ne pas jeter sur la voie publique.

Je retourne à Paris. Pour la voir, elle. Et c'est chez lui que je me pointe.
Une pulsion en sortant du train. Un irrépressible besoin de le voir. Là, tout de suite. Immédiatement. Je ne peux pas différer, je ne peux pas négocier. Ma raison a explosé en vol.
Il n'est pas seul. On est vendredi soir et il s'apprête à sortir. Et alors qu'habituellement, j'aurais battu en retraite, en espérant qu'il me courre après. Je ne me laisse pas impressionner et je lui demande de les mettre à la porte. Théâtral. Comme toujours. Des cris, des larmes, des objets qui volent à travers la pièce, des portes qui claquent. Ça fait dix ans que c'est comme ça. Tarabas ou l'éternel retour du come-back. Il me reproche de débarquer au milieu de sa vie, de tout remettre en question sous prétexte que j'ai décidé de réapparaitre. Il me dit qu'il a tourné la page, je refuse d'y croire. Tout le trahit. Sa voix, ses gestes. Son regard fuyant. Je ne suis pas dans l'illusion. Je le connais. Ou peut-être que l'idée est trop insupportable pour l'accepter. Mais alors, pourquoi ce n'est pas moi qu'il a mis à la porte ? Pourquoi il m'a laissé entrer ? Et pourquoi il s'énerve ? S'il est aussi indifférent qu'il le prétend. Quand son accent reprend le dessus. Son bras qui se lève, ma main qui attrape son poignet. Le sang qui me bat les tempes. Tombe le masque.

On est d'accord. Je cherche à me détruire. Je ne sais pas aller bien. Je perds mes repères. J'ai besoin d'être mal pour être sûre qu'il se passe quelque chose dans ma vie. J'ai besoin de toucher le fond pour exister. Pour combler le vide. Je sonne creux. Et je m'ennuie. La vie m'ennuie.

Emmène-moi, emmène-moi
On doit pouvoir
Se rendre écarlates
Et même
Si on se précipite
On devrait voir
White light, white heat

Ce n'est pas comme si c'était une surprise. Ça fait un moment que j'ai conscience d'être complètement folle. Parfois. Ça fait un moment que je me dis que j'ai besoin de me faire soigner. Que c'est pas possible d'être à ce point handicapée relationnelle.
Pour finir, je suis rentrée. J'ai posé mes affaires, je suis allée dans la salle de bain et je me suis laissée tomber sur le carrelage. Je reste prostrée des heures, adossée au lavabo. Mon portable qui sonne depuis ma chambre. Boucle qui me demande si je vais bien. Ne pas pouvoir lui répondre. J'ai les cordes vocales engluées dans les nœuds de mon estomac.  Les ongles plantés dans mes bras. Je ne maitrise plus rien. Entendre la porte d'entrée qui se ferme. Et enfin, écrire pour affaiblir mes démons intérieurs. Vider les deux boites de rochers pralinés qui attendaient d'être offertes. Soixante, exactement. Le temps de. Solution d'urgence.