Alors je vais essayer d'écrire malgré le souffle court de Boucle, qui traverse la cloison. Ça fait trois fois qu'ils remettent ça, depuis que je suis rentrée. Tantalesque.
Les joies de la colocation. Des boîtes d'œufs sur les murs. Trick or treat.

Tout ça pour faire part de mes résolutions. Je diffère le prochain épisode de Soupe au lait et cœur d'artichaut. Je ne mettrai personne au courant de l'épisode tarabesque. Ava Adore, en premier lieu. Et puis, tous ceux qui se feront un plaisir de me rappeler que ce n'est pas une bonne idée, qu'il ne va m'apporter que des emmerdes. Qu'ils n'ont pas envie de me ramasser à la petite cuillère. J'ai jamais demandé à personne d'en subir les conséquences. Je n'ai pas de compte à leur rendre. Je sais que je ne dois rien attendre de lui. C'est un beau parleur, un charmeur. Il est capable de te promettre la lune. C'est un grand gamin. Et moi, ça me va bien comme ça. Parce que je ne veux pas grandir. Et parce que Tarabas, il me voit telle que je suis. Il n'a jamais essayé de me faire changer. De me remettre dans le droit chemin. Il n'a jamais été possessif. Il ne m'a jamais coupé les ailes. Et j'ai toujours été moi-même avec lui. Je n'avais aucun effort à faire. Je n'ai rien à lui prouver. Il me fait confiance. Ava Adore, pas. Aussi exceptionnelle soit-elle. Elle impose ses conditions. Les fouilles archéologiques ont finalement abouti. Et je fais ce que j'ai envie de faire. Ce que je sais bon pour moi. Pour la vie que je veux. Il me porte. Il me permet d'être celle que j'ai envie d'être. Et puis, ce que j'aime chez Tarabas, ce sont ses failles. Elles sont belles et rassurantes. Avec Ava Adore, je me sens médiocre.

Ça ne durera qu'un temps. Je finirai par prendre une décision. Ça ne m'enchante pas d'être malhonnête. Mais elle ne me laisse pas le choix. Elle guette le moindre faux pas. Elle est tellement. Méfiante. Elle me répète qu'elle ne veut pas perdre son temps. Et moi, du temps, j'en ai. Je n'ai que dix-sept ans. La vie devant moi. Décalage. Je n'ai jamais été très douée pour l'apnée. J'ai besoin de respirer. Je ne compte plus les crises d'angoisses à l'idée de ne pas pouvoir satisfaire mes besoins vitaux. Juste parce que j'avais oublié ma bouteille d'eau à côté de l'évier. J'ai toujours une bouteille d'eau dans mon sac. Toujours. Et si je sais qu'il n'y a pas de toilettes à proximité, ça devient une obsession. Plus rien d'autre ne compte. On a les névroses qu'on peut. Toujours est-il que, depuis que je suis avec elle, je retiens ma respiration. Je fais attention à tout ce que je dis, à tout ce que je fais. Finalement, je crois que la balance penche clairement d'un côté. Ava Adore a tout pour elle. Elle est rayonnante. Je suis complètement sous le charme. C'est un fait. Mais Ava Adore s'impose. Et c'est à moi de m'adapter. Je ne sais pas si c'est ce que je veux. J'ai besoin d'y réfléchir.