"En fait, je sais c'est quoi, ton problème : t'es pédé."
Schtroumpf grognon. Alors qu'on racontait Queer As Folk à une copine qui n'en avait jamais entendu parler. Il faudrait voir l'enthousiasme avec lequel on disserte sur la vie des personnages. Même des années après la dernière saison. Cela dit, je pourrais détailler l'intégralité de Friends à qui me le demanderait.
"C'est sûr, t'as du être pédé dans une autre vie, et tu t'es réincarnée en fille. C'est pour ça que tu n'as aucune idée de ce que s'engager veut dire. Et c'est pour ça que tu connais toutes les chorégraphies de Lady Gaga et que tu t'identifies plus à Brian Kinney qu'à tout autre personnage féminin. Je ne vois pas d'autre explication."
Merci pour ton éclairage.

"Je crois qu'il va falloir que tu recommences ton coming-out."
Je crois surtout que j'en ai jamais fait. Parce que j'ai toujours trouvé ça détestable. Ça ne devrait pas être nécessaire. Et puis, je vois pas qui ça intéresse, de connaitre mes préférences sexuelles. Ce qui n'implique pas de devoir les nier, évidemment. J'ai l'impression que ce n'est pas la première fois que j'en parle. Et j'ai l'impression que j'ai encore une fois besoin de me justifier.
Et puis, j'en ai jamais fait, parce que je ne sais pas non plus ce que je suis. Enfin, si, je sais. Je ne rentre pas dans les petites cases des schémas sociétaux. En réalité, même si j'avais pu, ça n'aurait rien changé.

Comme je me suis toujours refusée à exposer ma vie sentimentale à ma famille, j'aurais trouvé déplacé de leur présenter Ava Adore. Parce que depuis les premiers "T'as un amoureux ?", je leur ai toujours répondu que ça ne les regardait pas. Tarabas n'a jamais mis les pieds à la maison. Ni qui que ce soit d'autre.
Et puis, leur opinion sur ma façon de vivre n'a jamais été essentielle pour me construire. Sinon j'aurais pris un tout autre chemin. A une exception près, mon frère. Mais de toute façon, il y a belle lurette qu'il est au courant. La seule chose que je peux faire, c'est de les aider à soigner leur homophobie ordinaire. Et puis si d'aventure, ils l'apprenaient, ce qui finira sans doute par arriver, à force de jouer à militer sur tous les fronts, ils en feront ce qu'il voudront. Qu'ils voient les choses du bon côté, je ne serai pas obligée de me faire ligaturer les trompes. S'il y a bien quelque chose qu'ils savent, c'est que pour avoir une descendance, ils devront s'adresser à leur fils.

Pour le reste du monde, il y a trois catégories. Je ne suis pas la même avec tous. Il y a ceux qui l'ont toujours su, parce qu'ils le pouvaient pas ne pas le savoir. Vu que c'est avec eux que je passe ma vie, que je sors, que je vis. Donc forcément, mes histoires, ils les rencontrent, ils n'ont parfois pas trop le choix. Il y a ceux à qui je ne présente pas mes amant(e)s, mais à qui je raconte ma vie, sentimentale entre autres. Moins qu'ils ne me racontent la leur, de toute façon. Mais ils s'en foutent. Genre Bunny, qui, lors que l'une de nos nombreuses updates, me demande comment il s'appelle. Et quand je lui précise qu'en l'occurrence, c'est elle, elle me répond que c'est pas le plus important. Et puis il y a ceux avec qui je n'ai jamais rien eu envie de partager.

Sauf que. Elle a très envie de rencontrer mes parents. Ava Adore et ses exigences. Evidemment, c'est tout simplement hors de question. Je n'ai pas envie de la mêler à tout ça, c'est déjà suffisamment compliqué. Je connais leurs réactions d'avance. D'abord la despote en fera des tas pour montrer au monde entier qu'elle est ouverte, et tout et tout. Ensuite, elle l'accusera de lui avoir changé sa fille, et voudra à tout prix me faire ouvrir les yeux. Ensuite, elle m'accusera moi, de la faire crever à petits feux. Le géniteur n'existe pas. A quoi bon lui faire l'honneur de savoir, alors que j'ai seulement envie de le voir disparaitre ? Le Général Grand-Mère criera au complot, puisqu'on fait rien qu'à l'embêter alors qu'elle est vieille, tout ça. Avec la despotique sœurette, viendra sans doute un moment où je parlerai d'Ava Adore. Ou pas, d'ailleurs. Si on se retrouve dans sa voiture, et qu'elle me parle de son amoureux. Je crois que la despotique sœurette est celle qui a le plus évolué dans sa façon de voir les choses, au fil de nos discussions. Les despotiques frangins, avec qui j'ai relativement peu de contacts, ont bien conscience que je mène ma vie comme je l'entends, et ils n'en seraient pas à leur première surprise. Je crois qu'on a fait le tour. Grand-Père, lui, m'a toujours aimée comme j'étais, il m'a toujours fait confiance. Et si je n'aurais pas craint son regard, je ne lui en aurais pas parlé plus à lui qu'à qui que ce soit d'autre. Tout comme je me tais sur le reste de ma vie. Ça m'appartient.

De toute façon, Ava Adore n'a qu'à bien se tenir, sinon j'entre dans les ordres. J'ai toujours voulu être sœur.
De la perpétuelle indulgence. What else ?