Zizanie expérimente la niaiserie et programme son mariage à Las Vegas. En écoutant Mes Souliers Sont Rouges.

Faut que je t'explique. Le dernier article, ça faisait une éternité qu'il était en attente de publication. Entre temps, j'ai décidé d'épouser Chaton. Ouais, parce qu'on l'appelera Chaton. C'est exactement le genre de surnom ridicule qui lui sied. Si je te dis ça, c'est parce que je viens de larguer Tarabas. Hier, pour être tout à fait précise.

A l'origine, Chaton est un pote dont j'avais un peu perdu la trace pour cause d'exil ibérique. Vie de famille, en option. Chaton est reviendu dans ma Natale Capitale après sa rupture, il y a quelques mois. Il m'a recontacté. Un quinze mars. Évidemment, je n'étais pas la Zizanie joyeuse et fêtarde dont il se souvenait. Évidemment, il n'aurait pas pu choisir une meilleure date. Je tiens à préciser, pour la suite de l'histoire que Chaton n'a jamais été plus qu'un pote de soirée. Exit les discussions profondes et autres alambics. Et surtout, que je n'ai jamais envisagé qu'il puisse se passer quoique ce soit d'autre. Chaton ne m'a jamais intéressé. Certes, il a un physique agréable. Mais son charme latin m'a toujours laissée de marbre.
Donc Chaton, chômeur depuis son retour. Je sais pas ce que j'ai avec les chômeurs, en ce moment. Me propose de monter me remonter le moral avec un programme attrayant. Boire, taper, et baiser comme des souris. Jusqu'à épuisement. Et que mort s'en suive. Le projet de ma vie résumé en une phrase. Une mort rock, digne de ce nom.

Donc. Il arrive chez moi. Et jamais les mains vides. Chaton est bien élevé. Il m'a promis de m'emmener au ski. Une chance, que la neige soit poudreuse. Et mon sens de l'accueil m'oblige à lui servir un verre. Deux. Trois. Deux sur trois. Sauf que. On se vautre sur le canapé. Et on parle. Parle. Parle. Parle. Parle. Longtemps. Presque neuf heures. En écoutant du flamenco. Chaton, c'est mon jumeau maléfique. C'est moi en mec. En tous points. Comment j'avais pu passer à côté de ça ? Chaton est un paumé qui ne croit plus en rien. Chaton est éteint. Chaton a morflé. On a les mêmes projets. Les mêmes envies. Les mêmes besoins. Et puis ça dérape. Ça fait déjà un moment que ça a dérapé. Tout sauf ce à quoi je m'attendais. Sauf que là, je me retrouve avec sa peau contre la mienne, enivrée par son odeur. Son souffle sur mes lèvres. A généreusement partager ce moment avec mes voisins. C'est une évidence, Chaton et moi, on est fait du même bois. Les limites, il ne connait pas. Des limites, je n'en ai pas. J'ai eu le plus intense orgasme de ma vie, à en perdre connaissance. Avec sa main qui comprimait mes carotides. On ne va pas survivre.

On ne cherche même plus à comprendre ce qu'il nous arrive. Je ne peux même pas en parler, on me ferait interner. Alors je n'en parle pas. Et on passe les jours suivants à baiser, à discuter, à faire l'amour. Et à envisager notre mariage à Vegas. Il parait que j'ai cours. Mais je n'en ai plus rien à foutre. J'étais froide. Je recommence enfin à ressentir quelque chose.

Et puis un jour, Chaton apprend qu'il y a Tarabas. Compréhensif et fou furieux à la fois. Il accepte. Je refuse de le quitter. Je me raccroche à ce que je connais. Je me rassure. J'essaye d'être raisonnable. Sauf que la raison, je l'ai perdue. Plusieurs semaines passent. Il me fait l'effet d'une drogue. J'ai tous les symptômes du manque. J'ai mal partout de ne pas le voir. J'en crève. Je suffoque. Mais je tiens bon. Je suis avec Tarabas. J'ai décidé de m'investir enfin dans cette relation bancale. J'ai décidé d'être constructive. Alors je ne cède pas. Ça me passera. Je l'ai au téléphone tous les jours. Des heures à discuter. Des partiels séchés. Je décide de disparaitre. Plusieurs jours. Il revient à la charge et je craque. On se revoit. C'est de pire en pire. Ou de mieux en mieux. Parce que j'ai l'impression de respirer à nouveau. Et puis, il me pose un ultimatum. Soit je choisis, soit il prend son billet d'avion et retourne en Espagne. Je me braque. Je l'envoie se faire foutre. De toute façon, Tarabas a prévu de passer le week-end avec moi. J'en ai de la chance. Je suis enchantée. C'est le bonheur. Tarabas arrive le vendredi soir. Je prétexte fatigue et stress. Les cours, tout ça. Je n'ai pas envie qu'il me touche. Ça ne me ressemble pas. L'orgasme est très efficace contre la migraine.

On en arrive à hier. Tarabas me connait. Depuis le temps. Il a deviné. Il essaye de me faire cracher le morceau. This is the end.
Et j'ai parfaitement l'intention d'épouser un Chaton déguisé en Blues Brother. En ce qui me concerne, on a opté pour la panoplie de princesse grunge. Rien ne pouvait correspondre plus. Je l'ai missionné de m'offrir une bague en toc véritable. Et je suis juste impatiente de le retrouver. Je viens de mettre un terme à la plus importante relation de ma vie et je suis euphorique. J'ai douze ans et demi dans ma tête et je bondis partout.