Quand j'étais gamine, je me créais le monde. J'écrivais des pages et des pages de romans que je ne terminais jamais. Des pages qui s'empilaient. Ce n'était pas ce qui m'importait. Ce que je recherchais, c'était des sensations. J'écris depuis que j'ai appris à écrire. J'écris depuis toujours. L'écrit me permettait de vivre par procuration tout ce qu'on ne me laissait pas faire. De m'échapper de tout ce à quoi je me conformais pour ne blesser personne. La despote, en particulier. Une petite fille modèle.
Et puis, un jour. Je me suis dit qu'il n'était pas nécessaire qu'elle sache. Je devais avoir dix ans, peut-être onze. J'ai roulé ma première vraie galoche et j'ai décidé que je ferai exactement ce que je voudrai de ma vie. Ou l'inverse. L'inverse, en fait. Et tout s'est enchainé. J'ai voulu tout faire, tout vivre, tout tester. Brûler la vie par les deux bouts. Le plus tôt possible. Je n'avais aucune envie d'attendre. D'être assez grande pour. Comme quoi, ça tient à peu de choses. Un échange de miasmes. A cette époque, j'avais un repère. Une branche à laquelle me raccrocher quand tout foutait le camp. A cette époque, j'ai compris que je n'avais pas besoin de la despote. Qu'elle n'était qu'accessoire à mon avenir. Parce que je n'étais pas seule pour les vivre, ces expériences. Il y a quelques articles de mon ancien blog qu'il aurait fallu lire pour comprendre. Très peu, à vrai dire. Mais finalement, c'est très bien comme ça. J'ai évolué. De mes démons, je n'ai gardé qu'une douce présence perpétuelle. Je suis remontée sur une moto. J'ai fait comme si ça ne représentait rien pour moi. Et j'y suis parvenue. Pourtant, au moment où j'ai attrapé le casque entre mes mains, j'ai failli renoncer. Je suis toujours aussi déterminée à passer mon permis. C'est une étape. Essentielle.  Je n'épargne désormais le trajet vers un morceau de marbre froid couché au milieu d'autres. J'évite d'écrire ce que je ressens. Quand j'y pense. Et j'y pense souvent. Je m'en détache. Non, je n'en ai pas fait le deuil. Mais j'ai accepté. De vivre avec. Son souvenir.
Aujourd'hui, je n'ai plus besoin de mes fictions. Je les vis. Je les raconte. Je les publie. Et mon blog me permet de conserver ces sensations. Elles sont précieuses. C'est bien la seule chose que j'ai plaisir à collectionner.