Vous avez deux heures.

Il paraît qu'il y avait son corps, entre ces quatre planches de bois. « La fosse commune, c'est au bout de l'allée ! », a répondu le mec du cimetière. Le carré des indigents, ils appellent ça. C'est pas tellement mieux. Les pompes funèbres se sont barrées à peine le cercueil sorti du corbillard. Les ouvriers s'impatientaient de pouvoir refermer le trou. Il est mort comme il a vécu. Seul et dans la misère. Seul, surtout. Quinze ans qu'il n'avait pas vu ses enfants. Il refusait de reprendre contact. Il ne voulait pas qu'ils le voient dans cet état. Métastases. Il est moche, ce mot. Autant que ce qu'il signifie.

Il y avait quelques personnes qu'il n'a jamais connu. Des gens qui enchainent les enterrements. C'est sympa comme loisir. Faudrait que j'y songe. Mais il n'a jamais engueulé aucun de ceux-là, parce qu'ils parlaient de se couper les cheveux. Puisque toi, tu vas bien les perdre, j'ai le droit de me séparer de mes boucles. Et aucun de ceux-là ne s'est vu offrir une clope par un mec rongé par le crabe des poumons. Alors ils peuvent raconter ce qu'ils veulent. Ce qu'on leur a dit, surtout. Au téléphone. Ils peuvent lire des poèmes. Ou encore se signer devant cette grande boite au fond d'un trou. Ils ne savent pas qui est derrière leurs mots. Je n'ai rien à te dire. Rien de plus que. Merci pour ces moments.