On le sait que dans deux semaines. Peut-être moins. Je vais recommencer à retourner la situation dans tous les sens pour finir par prendre mes jambes à mon cou. Ouais, j'suis trop souple, comme fille. Je trouverai tous les prétextes du monde pour me convaincre que Chaton n'est pas pour moi, qu'il est trop ci ou pas assez ça. Que de toute façon, on n'est pas compatibles. Bla. Bla. Bla. Je pense qu'il serait temps d'arrêter de se poser des questions inutiles. Quand, dès les premières secondes où tu entends sa voix, tu décolles et tu restes perchée au milieu des petits zoziaux transgéniques, des licornes roses et des arcs-en-ciel. Genre. J'ai douze ans, je viens de gober un ecsta et je saute partout, dans tous les sens. Moi. Qui prends une voix de guimauve. D'accord, les guimauves n'ont pas de voix. C'est pour vous faire comprendre l'idée. Sucré à en être écœurant. J'aime pas la guimauve. Et je me déteste quand je suis comme ça. Ça ne me ressemble pas, la niaiserie. Non mais merde quoi, j'suis Rocky Balboa. Certes, parfois, tu peux chercher longtemps le chauffeur poids lourd qui se cache en moi. C'est épuisant d'être nombreuse. Tu passes d'une Zizanie qui fait sa rebelle et gueule à qui veut l'entendre que tout le monde l'emmerde, qu'ils sont tous trop cons, et qu'elle n'a pas envie de voir leurs tronches, à une Zizanie qui, deux minutes après, imite le dernier neurone de notre potiche de judoka de ministre qui s'écrase sur le tatami. Ou Zizanie qui, lors de son rendez-vous  de suivi mémoire, se colle ses mains sur ses yeux et s'agite : « Un diagnostic à écrire, où ça ? J'comprends pas, j'vois rien.  ».
Tu digresses, Zizanie, tu digresses. On en était à ta voix de guimauve. Si, si. C'est pas la peine d'essayer de faire oublier l'idée que tu puisses être complètement niaise quand tu parles au téléphone avec Chaton. Ah ça, changer de sujet, elle sait faire. N'empêche, c'est pas pour rien que tu l'as appelé Chaton. T'aimes ça, être niaise, finalement. Tu prends ton pied à miauler « Chatooooon ! ». A rire bêtement quand il te parle. Oui, ça aussi. De toute façon, je lui ai dit. C'est de ta faute, c'est toi qui m'as rendue stupide. Avant, j'avais encore un semblant de présence d'esprit. Avant, j'ai jamais eu l'impression d'être une ado qui vit son premier flirt. Pas la peine d'espérer un quelconque sauvetage, la tour de contrôle s'est mise en grève. Mes neurones ne mouftent plus. On nage en plein délire. Le pire, c'est une fois que t'as raccroché. Tu scotches pendant trois bonnes minutes. Et c'est long, trois minutes. Les yeux dans le vide, le sourire niais. Saloperie d'hormones. C'est pas la peine d'insister, je n'assurerai pas la pérennisation de l'espèce. Quand ta raison revient, tu te remets à jouer les gros bras. Non mais attends, Chaton, c'est qu'une histoire comme ça. Dans trois mois, je me souviendrai à peine de lui. Est-ce que je repense à toutes les aventures que j'ai pu avoir ? De tou-te-s, je me suis éprise. Je me suis emballée comme un cheval mal débourré. Et je me suis lassée. Et finalement, avec le recul, et quoique j'ai pu en dire à ce moment-là. Il n'y a qu'à Jolene que je repense en esquissant un sourire nostalgique. C'est fou comme la mémoire déforme les souvenirs. Les sélectionne, aussi. C'est fou comme t'es capable de dépenser une énergie dingue pour éviter de te mettre à bosser. Bon allez, tu publies et tu t'y mets.