Bon, faut que je vous parle. Si mes derniers articles tournent autour de mes hormones, c'est parce que je n'éprouve plus le besoin d'écrire sur le reste. Pour le moment. Le reste, je veux dire. Mes névroses, mes angoisses, mes démons. Les balles que je me tire dans le pied. Alors que j'ai tout pour. Tout ça. Ouais, je vois un psy. Depuis genre un mois. Moi qui hurlais à qui voulait l'entendre que je me connaissais mieux que personne pour savoir ce dont j'avais besoin, que c'était pas en allant parler de moi à un parfait inconnu que ça irait mieux. Que ce n'était pas en m'anesthésiant avec des bonbons qui font sourire que je pourrais avancer. Ça, je le fais déjà toute seule. Oui, sauf que. Un enchainement de situations m'a fait prendre conscience qu'il serait temps de faire quelque chose. Que j'en avais assez de lutter contre moi-même. Que j'avais besoin d'un coup de main pour sortir de là.

Déjà, la première fois qu'il m'a vue, il a paré au plus urgent. Me prescrire des bonbons pour que je puisse aller à mon examen. Tout ce que je pouvais reprocher aux psys. Il a pris le temps de me préciser qu'il ne pensait pas qu'il me prescrirait un traitement, pour la suite. Là, c'était pour éviter que je souffre inutilement. Ou que je fasse des choses stupides pour éviter de souffrir. Les premières séances ont été douloureuses. Je n'arrivais pas à lâcher prise. Je tournais en rond. Je lui parlais de la Zizanie que je maitrisais. Ses failles. Ses peurs. Sa peur de l'échec, sa peur de la réussite. Le fait que je refuse d'échouer. Que l'échec soit inconcevable. Même si je trouve ça stupide, même si j'ai conscience qu'il est essentiel pour se construire. Comme si l'échec, c'était bien pour les autres. Pas pour moi. Moi, il fallait que je sois parfaite. Sauf que. Vient un moment où ça ne peut plus durer. Et puis, quand je lui ai dit que j'avais envie de changer, il a eu ces mots.
« Vous n'avez pas besoin de changer, l'échec vous le connaissez bien, vous êtes constamment dedans. Vous n'avez plus qu'à l'accepter. »
Parce que ce qui va sans dire va encore mieux en le disant. Cette phrase a résonné dans ma tête plusieurs jours après.

La fois suivante, j'ai essayé de reprendre le contrôle, forcément. Et puis, il a clos la séance en me laissant repartir complètement embrouillée. Plus rien n'était en ordre, dans mon crâne. Je me sentais mal, paumée. Et puis, sur le chemin du retour, bam. Tout s'est éclairé dans ma tête. Je ne sais pas qui je suis. Je ne sais pas qui je suis. Je ne sais pas qui je suis. Parce que je suis un imposteur. Je ne sais pas qui je suis, je ne sais pas ce que j'aime, je ne sais pas ce que je déteste réellement. Parce que, parmi tout ce que je dis aimer, il y en a certaines que j'ai aimé pour être aimée. Pour être acceptée. Pour qu'on me trouve intéressante. Originale. Tendance. Anti-conformiste. Ou encore charismatique. Pour que l'on me considère. Pour que je devienne quelqu'un dans le regard de l'autre. Du coup, je n'arrive plus à faire le tri. Entre celle que je suis. Celle que je veux être. Et celle que je parais. Sans doute, parce que ce que je suis, je suis incapable de l'assumer. Il m'a demandé ce que je pensais être si difficile à assumer chez moi. Et une réponse que je ne soupçonnais pas m'est venue spontanément. Forcément, c'est le genre de trucs que je passe mon temps à refouler. Alors forcément, je ne peux pas en avoir conscience. Et je n'ai surtout pas envie que ça ressorte quelque part. Jamais je n'en ai parlé à qui que ce soit. Jamais je ne l'ai écrit à qui que ce soit. Et je ne suis sans doute pas encore prête pour le faire aujourd'hui. Mais j'y travaille. J'en ai assez d'avoir peur de tout. D'avoir peur de grandir, surtout. J'ai envie d'être sereine. De prendre les choses comme elles viennent. Mon avenir aussi. Mon diplôme, mon futur job, mon couple, mes projets, ma vie. Peu importe le sens.

Et c'est aussi la raison pour laquelle je n'ai pas fui en courant quand Chaton m'a demandé de l'épouser. Après tout, je m'en fous complètement du mariage. Donc si je m'en fous, je ne vois pas pourquoi je refuserais. Après tout, si je m'en fous, c'est que je mets rien derrière ce mot. J'en mettrai pas plus derrière le mien. On peut se marier et divorcer au bout de deux ans. Parfois moins. On peut ne pas se marier et rester ensemble toute sa vie. Ahem. Bon, d'accord, ça j'y crois moins. Le coup de l'amour éternel, tout ça. Bref, admettons. Et puis, on peut aussi rester fiancée toute sa vie. Ouais, parce que pour le moment, pas de meringue à l'horizon, je suis au régime. Et puis, être fiancée, c'est tellement désuet. C'est ce qui me plait. Mais là encore, je le fais à ma façon. Pas de repas de famille qui va bien. Ça ne me ressemble pas. Bref, mariage ou pas. J'veux dire, dans tous les cas, pour que ça marche, faut que tu t'engages. Un minimum. Et c'est pas parce que j'appose pas signature sur un bout de papier que je m'engage. Rien à secouer, des contrats. Le vrai engagement, il est dans les actes. Et finalement, je me dis que j'ai peut-être envie d'essayer. Surtout que je ne sais pas trop ce qu'il s'est passé dans la tête de Chaton depuis. Mais le changement est flagrant. Il semble beaucoup plus apaisé. Faut dire que j'ai jamais été très rassurante, comme nana. Et là, il est comme. Transformé. Il ne réagit plus au quart de tour. Il est donc beaucoup plus vivable. En fait, accepter de grandir, c'est tout bénéf'. Et je commence à comprendre que ça ne m'empêchera pas de faire ce que je veux de ma vie. Au contraire.