T'as vingt-six balais. Tu es encore étudiante. Tu te mets encore des murges toutes les semaines. Tu t'es faite larguée par ton mec, parce que tu ne peux pas t'empêcher de jouer avec la vérité. Et parce que tu n'as aucune envie qu'on te plante un bulbe d'être humain dans ton utérus. T'as encore trois de tes potes qui viennent de pondre. Qui parlent d'érythème fessier et qui n'ont plus le temps d'aller boire un verre. Tu commences à être persuadée que tu finiras vieille fille aigrie, dans un rocking-chair, et que tu donneras des coups de canne aux enfants et aux pigeons. Cette perspective satisfait ton ego de rebelle mais t'enchante moyennement. Tu préférerais crever d'une overdose à vingt-sept ans. Ça ferait de toi une légende. Encore faut-il que t'arrives à faire sortir un son de ta gratte. Tu te rends compte qu'il ne te reste que peu de temps pour organiser ta mort. Et puis, avec tout ce que tu lui as refilé, ton corps commence à être résistant. T'es presque blasée d'avoir tout essayé. En fait, c'est ça, ce que t'aimes t'aimais, c'est te détruire. Pas forcément les paradis artificiels. T'es assez peu réceptive aux effets des drogues. Et ça t'angoisse terriblement de perdre le contrôle. Même sans boire, tu te retrouves à danser sur le bar. Ça ne t'empêche pas de boire. Ce que tu veux, toi, c'est t'anesthésier. Arrêter de te prendre la tête. Arrêter de réfléchir. Arrêter d'être Zizanie, vingt-six balais, sans attaches nulle part, prête à se barrer du jour au lendemain. Parce que finalement, tu t'en fous d'être loin de ta famille. Si t'as de leurs nouvelles deux fois par an, ça te suffit. Et puis tes potes. Mouais. Rien qui ne pèse suffisamment dans la balance pour te donner envie de rester. Néant. Solitude. Questions existentielles.