Non mais l'autre, elle a pété un plomb. Elle, qui prônait la libération par le sexe. Elle se fait abstinente. Et puis quoi encore ? Rassure-toi, elle change pas de crèmerie. Le sexe n'est ni sacré, ni sale. Le sexe, c'est tout ce qu'il y a de plus banal et naturel. Tout le monde le fait, tout le monde sait faire. Mais c'est parfois corrompu, aussi. Manger, c'est tout ce qu'il y a de plus naturel. Engloutir des tonnes de nourriture pour se faire vomir juste après, plus tellement. Je ne m'interdis rien, je ne m'oblige de rien. J'ai juste complètement perdu le sens de mes actes. Je ne me reconnais finalement pas dans cette quête de performance. Choper une belle nana / un mec canon ; être parfaitement épilé(e) ; baiser longtemps, intensément ; être le meilleur coup de sa vie ; lui procurer un orgasme ; jouir ni trop vite, ni trop lentement, ni trop bruyamment, ni trop silencieusement. Et puis, rester la belle nana / le mec canon, s'entretenir en toute circonstances. Parce que dès que tu commenceras à être moins performant, ou qu'on trouvera plus performant que toi, on te jettera pour un nouveau modèle. C'est pas ce que tu fais avec ton téléphone ? Ton ordinateur, ta console, ton lave-linge, ta bagnole ? Production, consommation, efficacité, rentabilité, performance. Y'a vraiment que ça ? Compte pas sur moi pour te servir des histoires de prince charmant. Qu'il faut baiser quand t'es amoureuse, monogame, mariée. J'aime les gens. J'vois pas pourquoi j'aimerais pas les gens avec qui je baise. Voire pourquoi je baiserais si j'aime pas. Mais je ne parle pas du grand amour. De tout ce baratin de contes de fée. Je parle d'amitié. C'est encore le seul genre d'amour qui ne me détruit pas. D'amitié et de tout ce que ça implique. La confiance, la considération, le respect, le non-jugement, la solidarité, l'écoute, l'échange. Et en ce qui concerne l'exclusivité, j'crois avoir suffisamment dit ce que j'en pensais.

En fait, j'peux pas isoler le sexe d'un processus global. J'ai envie d'être plus en accord avec moi, avec mes valeurs et mes convictions. J'ai envie de pouvoir me contenter du minimum pour vivre. Parce que je crois sincèrement que c'est comme ça que je serai le plus heureuse. J'ai besoin d'être en paix avec moi-même. D'arrêter de me fuir. Et le minimum pour vivre, c'est moi. Je ne devrais pas avoir besoin des autres pour me sentir belle, je ne devrais pas avoir besoin des autres pour réaliser un projet, une envie. Je ne devrais pas avoir besoin des autres pour être sereine, comblée, épanouie. Je devrais juste avoir besoin des autres pour leur donner un peu de ce bonheur. Sans attendre qu'ils m'en donnent à leur tour. Mais en acceptant volontiers ce qu'ils veulent bien me donner. Je ne dis pas que je ne baiserai plus jamais, juste que là, pour le moment, je pense que ce n'est pas indispensable à ma vie, voire même carrément nuisible. Ah oui, et tant qu'à faire, j'arrête aussi de boire et de taper. Tiens. De sex, drugs and rock'n'roll, je garde rock'n'roll et ne condamne en rien les deux autres parties du programme. Encore une fois, le sexe ou l'alcool ne sont ni vicieux ni vertueux en soi. C'est juste que j'en fais des outils de pouvoir et/ou de destruction. Je m'y soumets parfois. Sauf que. Ni dieu, ni maitre, ni anges, ni rien et basta ! J'en fais des substituts. Des échappatoires. Et je n'ai plus envie de me fuir.

Je ne dis pas que ça va durer. Je sais que mes vieux démons sont toujours dans les parages. Cette nuit encore, je me suis dit que j'allais tout arrêter. Que je n'y arriverai pas. Mais je n'ai pas envie de laisser mes pulsions destructrices et mes idées suicidaires guider ma vie. Il sera toujours temps de me foutre en l'air si ça marche pas. En attendant, j'essaye autre chose. Je ne dis pas que c'est le mode de vie à adopter, je ne suis personne pour juger. De ce qu'il faut faire. Il faut, on doit. C'est bien, c'est mal. Tout ça n'a rien d'absolu. C'est ce que je crois être bon pour moi, dans le contexte qui est le mien à l'heure actuelle. Ce n'est pas une contrainte, mais un moyen de me libérer du carcan dans lequel je me suis foutue. Je ne me sens pas frustrée de ne pas fumer, de ne pas boire, de ne pas baiser. Parce que la plupart du temps, je le fais pour de mauvaises raisons. Et puis si un jour, j'en ai envie. Vraiment envie. J'y accéderai. En attendant, je m'en passe bien volontiers.