Tiens, j'ai retrouvé le premier article qui parlait de Stark et que je n'ai jamais posté. A vrai dire, j'avais pas envie de le publier avec une fin aussi abrupte. Alors je l'ai laissé dans mes archives. Maintenant que l'épisode suivant est sorti, je peux te raconter comment tout a commencé.


Voilà. Mon cœur d'artichaut de groupie s'est encore emballé pour un bassiste torturé et je-m'en-foutiste. Autant te mettre au parfum dès la première ligne.
Samedi dernier, j'étais dans un bar avec des potes. Grande discussion au sommet, pour déterminer le meilleur morceau d'Alice In Chains. Ouais, on a de vrais débats de fond. Il est à la table à côté. Et surtout, il n'est pas d'accord avec nous. Nécessairement, on commence à parler musique. J'apprends qu'il est bassiste. Et j'pourrais m'arrêter là. Mes hormones ont pris le contrôle. Je m'improvise psy de comptoir. On se rejoint sur plein de choses. Mais on se taquine et on cherche en permanence à s'opposer. Quoiqu'on dise. On enchaîne sur nos parcours universitaires. Il veut comprendre comment j'en suis arrivée à ne plus rien foutre de ma vie. Note, c'est exactement ce à quoi il aspire. Ah tiens, ça a fait de la socio, ça. Evidemment, puisque c'est le genre de mec qui s'inscrit dans une licence juste parce qu'il y a « écrivain » dans l'intitulé. Tu penses bien, je suis sous le charme.

On se s'arrête plus. J'en oublie presque mes potes.
A un moment de la conversation.
J'aime pas parler aux gens.
« Ça fait deux heures qu'on se parle, t'es donc capable de faire des efforts ! »
En deux heures, tu ne m'as pas demandé comment j'allais, comment je m'appelais ou ce que je faisais dans la vie ; je t'assure que l'effort est presque négligeable. N'importe quel dragueur en carton l'aurait déjà fait depuis longtemps.
« Parce que tu crois que je te drague ? »
Si ce n'est pas le cas, tu devrais.
Depuis, c'est devenu un jeu. Aucun de nous n'a demandé ou mentionné un prénom. Faut dire que ça participe bien à la magie de l'histoire. Vivre une soirée hors du temps avec un inconnu.

Mes hormones se déchaînent, il faut absolument que je récupère son numéro. Je m'exécute. N'importe quel prétexte fera l'affaire.
Il me parle d'un auteur. Et d'un bouquin qu'il est certain que j'adorerais.
Ah mais je vais pas retenir, j'ai une mémoire de poisson rouge. Tu veux pas m'envoyer le titre par SMS ?
Et puis.
Je t'enregistre à « bassiste torturé n°24 » ?
« Et moi à "groupie érotomane". »

La soirée s'achève. On s'envoie frénétiquement des messages. Jour et nuit. C'est n'importe quoi. Et il finit par se créer un compte Squaïpe pour m'éviter une luxation du pouce. Si c'est pas une preuve d'amour. J'ai douze ans et demi et je me noie dans le bovarysme.
Le confort d'un vrai clavier nous permet d'écrire le synopsis de notre futur téléfilm de Noël et de son spin-off porno-hipster à la Lars Von Trier. On choisit soigneusement les acteurs, le producteur, les lieux des scènes.
Et c'est là qu'il me parle de La Caverne de la rose d'or. Non mais j'y crois pas. D'où est-ce que tu sors, toi ? D'accord, ce mec est parfait, je veux l'épouser. 

Et puis, on se revoit. Il me troque mon analyse psy contre son thème astral. Et on se revoit encore. Il ne se passe jamais rien. On attend que l'autre cède. Je refuse d'être première. Merde, merde, merde, je suis en train de craquer pour un énième bassiste torturé et joueur. Dont je connais les coordonnées astrales mais toujours pas le prénom, accessoirement. On continue à s'échanger des milliers de mots. Et puis. Je ne recevrai jamais l'accusé de réception du dernier.