Don't believe a word I saaay, don't believe a word I saaay, don't believe a word I saaay, don't believe a word I saaay...

Samedi matin, j'ai envoyé un message à Tarabas pour lui dire que j'avais besoin de lui parler. On devait de toute façon se rendre à un événement ensemble, le soir-même. Il m'a appelée immédiatement, un peu affolé. J'ai différé en attendant de le voir en face. Il m'a envoyé plusieurs messages dans la foulée.

Je suis passée chez lui, en fin d'après-midi. Il m'a répété qu'il ne voulait pas qu'on arrête. 
Sauf que voilà.

Moi, je suis pas celle avec qui tu fonderas la famille que tu souhaites. Ce n'est absolument pas envisageable pour moi. Ni maintenant, ni dans cinq ans. Et si une histoire qui ne mène nulle part n'était pas du tout un problème il y a 15 ans, ça le devient aujourd'hui. Enfin, pas vraiment de mon côté. A vrai dire, je n'ai pas changé. Je suis toujours ce p'tit con énervé, qui v'nait à ton anniversaire et qui plaisait pas à ton père à cause d'sa tenue négligée. Je ne suis toujours pas prête à m'engager. Je n'ai toujours aucune envie d'assurer la perpétuation de l'espèce. Je ne saurais pas trop quoi foutre d'un mioche. Et surtout, surtout. Avec toi, je sais que je ne pourrais pas me barrer et vous planter, si jamais ça devient trop angoissant, pour moi. Si jamais je panique. Je sais que tu seras incapable de gérer seul. Moi, j'en veux pas, de gosses. C'est pas mon truc, ça ne m'intéresse pas, ça m'emmerde. Alors j'peux pas prendre le risque d'être enchaînée toute ma vie à une progéniture. Encore moins à son géniteur. Tu me vois, moi, entrer dans ton plan de vie ? Sérieusement, tu me vois ? Je me décomposerais jour après jour. Je m'éteindrais.
Et tu le sais aussi bien que moi. Je suis un défi pour toi. Si je flanchais, si j'arrêtais de t'échapper, ça ne fonctionnerait plus.

Mais si je ne veux pas de cette vie-là, je ne veux plus d'une relation gémellaire d'adolescents. Ça fait 15 ans qu'on se tape dessus. Avec les mots et avec les mains. Ça fait 15 ans qu'on est constamment dans un rapport de force. Ça fait 15 ans qu'on joue au chat et à la souris. Je suis fatiguée. Honnêtement, je n'ai plus envie de jouer à des jeux malsains. Je n'ai pas ta force mentale, je ne sais pas être tout le temps dans la stratégie. Et je n'ai pas envie de l'être.
Seulement, avec toi, je suis incapable de sortir de ce schéma. Nous sommes incapables de sortir de ce schéma. Même avec de l'engagement. Même avec une vie de couple. Ce ne sera jamais très sain, ce qui se joue entre nous.

Voilà pourquoi je ne suis plus aussi enjouée à l'idée de te retrouver. Voilà pourquoi je ne te saute plus dessus en t'arrachant tes fringues. Voilà pourquoi je prends toutes tes sollicitations sur le ton de la plaisanterie. Voilà pourquoi je t'envoie balader. Voilà pourquoi je suis embêtée à l'idée de continuer à te voir.

Il fallait que je lui dise tout ça. Ce serait sorti à un moment ou à un autre. Sans doute d'une manière bien moins réfléchie et pondérée. C'est pas comme si c'était une surprise. Il le savait déjà. J'avais juste besoin de le formuler.
Parce que je me sentais mal à l'aise. Malhonnête. Pas entière. Pas moi. J'avais l'impression de jouer un rôle. Et ça m'empêchait d'être réellement sereine.

Il n'a rien dit. On a du partir. On a rejoint des amis. La soirée s'est déroulée normalement. J'ai pu partager un moment joyeux avec des personnes à qui je tiens beaucoup. C'était chouette. Et au moment de les quitter, il m'a demandé de rentrer avec lui.

C'était à son tour, de monologuer. Je l'ai écouté.
Il m'a dit qu'il s'en doutait. Que c'était pour ça qu'il était parti, il y a sept ou huit mois. Qu'il savait qu'il ne pourrait rien construire avec moi. Il est parti, parce qu'il ne pouvait pas plus construire avec une autre si j'étais toujours dans les parages. Sauf que. Ça a été la traversée du désert. Il a fait son beau-parleur habituel. Il ne peut pas s'en empêcher. Et puis d'ailleurs, j'vois pas pourquoi il s'en priverait, il sait retourner le cerveau des autres comme personne. Et le mien en particulier. 
Quand on s'est revu, il n'avait qu'une idée en tête : me faire changer d'avis. Que ses projets deviennent miens. Ce n'est vraiment pas la bonne stratégie à adopter, avec moi. On n'obtient rien par la force ou l'insistance. Voire on obtient l'exact opposé de ce que l'on recherche. Je suis une sale bête réfractaire à toute forme d'autorité. Il le sait très bien, ça ne l'empêche pas d'essayer de prendre la main depuis 15 ans, par tous les moyens. Il veut qu'on fasse à sa manière. Tout le temps. Et moi, j'en fais rien qu'à ma tête.
Malgré tout, il ne veut pas que je sorte de sa vie. Je n'ai jamais eu envie qu'il sorte de la mienne.
On s'est étreint jusqu'à ce que j'ai sa peau sous les ongles et son odeur tatouée sur la mienne. Il s'est endormi. J'ai compté mes dents avec ma langue. Et même si tes yeux dissolvent les comètes qui me passent une à une au travers de la tête, j'y pense encore.

On en est là. Ce n'est visiblement pas encore le moment de s'éloigner. Mais on commence à se faire à l'idée. Comme Laetitia.