Je sais bien que tu mens, mais je suis si seule à présent.

« Je ne veux pas me séparer de toi. »
C'est déjà fait.

Je ne veux plus subir tes doutes et tes retours en arrière. Je ne veux plus entendre tes reproches et lire la déception dans tes yeux. Je ne suis pas à la hauteur. Il vaudrait mieux pour toi que je ne devienne jamais la mère de tes enfants. Je serais une mère terrible. Une mère qui n'avait tout simplement pas envie d'en être une. Je ne mens pas, tu sais. Je n'ai vraiment pas envie d'être mère. J'veux bien être génitrice. Et encore. Éthiquement, c'est discutable. Même si ce n'est pas le mien, je n'ai pas tellement envie de mettre au monde un être vivant dans une société aussi triste et malveillante que la notre. Je n'ai pas envie qu'un.e autre que moi découvre les armes, le sang, la cruauté. Je n'ai pas envie qu'un.e autre que moi comprenne combien il est facile de réduire des animaux et des animaux humains à de vulgaires possessions. Je n'ai pas envie qu'un.e autre que moi expérimente les brimades, les moqueries, l'humiliation. Je n'ai pas envie qu'un.e autre que moi se demande ce qu'ille fait de mal pour ne pas arriver à faire ce que l'on attend d'ellui. Alors tu vois, j'avais promis à Schtroumpf grognon que mon utérus accueillerait sa progéniture. Mais j'crois que je ne vais pas en être capable. Pas d'être mère porteuse. Je me sens tout à fait en mesure de faire ce don. Je ne crois pas pouvoir assumer la responsabilité que la mise au monde d'un nouvel être vivant implique.
Mais ça, je ne vais pas te le répéter encore et encore. C'est trop tard.

« Est-ce que tu m'aimes, Zizanie ? »
Oui. Je t'aime totalement, tendrement, tragiquement.
« Ce n'est pas à Godard que je pose la question. »
Tu en doutes ?
« Tu réponds à ma question par une question. »
Ça ne se voit pas assez ?
« Encore une question. »
Quand est-ce que tu répondras aux miennes ?
« Quand tu arrêteras de te cacher. »
Je ne me cache pas, Tarabas. Je cherche le sens. Au vu de la situation, t'exprimer mes sentiments n'en a pas.
« Ce n'est pas moi qui ai voulu cette situation. »
Bien. Tu n'as pas voulu m'agonir, donc ? Je dois m'estimer chanceuse, je me demande ce que ça aurait été si tu l'avais voulu. Parce j'crois que tu aurais difficilement pu faire plus insultant que de me qualifier de profiteuse.
« Je ne le pensais pas ! Tu sais bien que je ne le pensais pas ! »
Non, je ne sais pas.
« Alors nous n'avons rien à faire ensemble si tu ne te rends pas compte que mes mots ont dépassé ma pensée. »
En effet.
Silence.
« Arrête d'être froide et fermée comme ça ! »
Silence.
« Putain ! Zizanie ! Qu'est-ce qu'il faut que je dise ? »
Silence.

Il se met à parler en portugais. Vite et fort. Tarabas qui perd le contrôle. Je serais tout à fait incapable de te retranscrire ce qu'il a raconté. J'entends les sanglots au fond de sa gorge.
Merde. Merde. Merde. J'vais flancher. Ne pleure pas, ne pleure pas, ne pleure pas. Merde. Respire. Respire. Respire.