« Je peux t'appeler ? C'est important. »

SMS. Tarabas. J'étais prête à l'envoyer balader. A lui répéter encore et encore que c'était fini pour de bon. Mais puisque c'est important. Je me sens obligée de lui accorder quelques minutes de téléphone. Je me sens mal. Je n'ai pas envie de l'entendre. Pas envie d'entendre ce qu'il a à me dire. J'ai peur aussi, un peu. C'est important. Qu'est-ce qui est si important ? Est-ce que c'est grave ?

« On m'a fait une proposition difficile à refuser. Mais je voulais t'en parler avant. »

La proposition implique qu'il traverse l'Atlantique, pour aller travailler là-bas, loin. Effectivement, c'est assez difficile à refuser. Il s'était toujours promis qu'il retournerait vivre quelques temps sur les terres qui l'ont vu naître. Je suis dévastée.

« Qu'est-ce que tu en penses ? »
Peu importe ce que j'en pense, c'est une opportunité incroyable. Non ?
« Si, bien sûr ! »
Voilà. C'est ta vie, Tarabas. Tu es libre d'en faire tout ce que tu veux.
« Non. Tu sais ce que je veux en faire. »
Arrête-toi.
« Si tu me demandes de ne pas partir, je ne pars pas. »
Je ne te demanderai jamais ça !
« Je sais. J'aimerais bien que tu me le demandes. »
Sois raisonnable, Tarabas. S'il te plait. Je ne peux pas te demander ça. Je n'en ai pas le droit. 
« Qu'est-ce qui t'en empêche ? »
Mon éthique. Ou le peu qu'il m'en reste. Et mon amour-propre, un peu aussi.
« Pourquoi ton amour-propre ? »
Parce que je ne peux pas retenir quelqu'un qui m'a reproché de se servir de lui et de gâcher sa vie.
« Putain, Zizanie ! Tu ne vas pas remettre ça ! J'étais en colère ! Je ne le pensais pas ! »
Je sais. Mais tu l'as dit. Et j'pense qu'il n'y a pas de fumée sans feu.
« Si, la glace carbonique ! »

J'éclate de rire. Lui aussi. Le ton s'adoucit.

Avoue que tu le penses un peu quand même.
« Je n'avoue rien du tout ! Je ne parlerai qu'en présence de mon avocat ! »
Je n'ai toujours rien à t'offrir en échange. Ni engagement, ni vie de famille.
« Je m'en fous, je ne te demande rien. On fera comme tu voudras. »
Non, je ne veux pas d'une relation déséquilibrée. Et surtout pas avec toi. On a bien vu ce que ça a donné.
« C'est toi la déséquilibrée ! »
Miroir !
« Je suis sérieux, Zizanie. Je ne veux pas d'une vie de famille. Je la veux avec toi. »

C'est pile le genre de phrase qui me liquéfie. Et il le sait. C'est menteur, les Gémeaux. Ils sont capables de te conter de jolies histoires pour te faire oublier leurs mots cassants. Blessants. Ceux qui t'ont fendue en deux, un peu plus tôt. Je suis une pintade.
Quoiqu'il en soit, je ne peux pas lui demander de renoncer à ses projets pour moi. Jamais.

« Pars avec moi ! »
Je ne peux pas abandonner mes rêves.
« Tu pourras les réaliser là-bas. »
Tu sais bien que non. Et puis, là-bas, je n'aurais pas le droit de travailler. Tu dirais encore que je suis une profiteuse !
« Tsss ! »
Et puis, pour que je puisse rester, il faudrait que l'on se marie, tout ça.
« Marions-nous ! »
Fous-toi de ma gueule.
« Alors empêche-moi de partir ! »