Toi qui cherches à me séduire, je t'en prie, n'abuse pas des compliments sur mon physique. Surtout dans la phase d'approche. Non, ce n'est pas parce que je n'ai pas une morphologie dans les normes que j'ai besoin que tu me dises que je suis belle. Et quand bien même ma confiance en moi est fragile, je ne tiens pas à ce que tu me le fasse remarquer. D'abord, je ne te croirai pas. Ensuite, je n'ai rien fait pour ça. Je t'assure qu'il y a bien d'autres manières de me faire comprendre que je te plais. Complimente-moi plutôt sur ce que j'ai choisi, ou, mieux, sur ce qui m'a demandé du travail. Ça n'en sera que plus apprécié.

Commence par te conduire en ami.e, sincèrement. Je ne tombe amoureuse que de mes ami.e.s. Au passage, j'attire ton attention sur le fait que l'amitié intéressée est un oxymore. Lorsque je m'apercevrai de ta malhonnêteté, je t'expulserai sans préavis.
Si tu veux passer du temps avec moi, s'il te plaît, évite la traditionnelle invitation au restau. Pour peu que tu enchaînes avec un ciné ou ses variantes, on est en plein dans le cliché. Tu peux faire original et me proposer par exemple, je ne sais pas, un jeu de piste dans ma Natale Capitale. Ça m'amuserait beaucoup. Mais tu n'es pas du tout obligé.e. Si tu veux passer du temps avec moi, faire simple me conviendra tout aussi bien. Encore une fois, conduis-toi en ami.e. Propose-moi une expo, un concert, à la limite un café pour papoter et profiter du beau temps. Dans ce dernier cas, il vaudrait mieux que la glace soit déjà brisée, et que l'on ait des choses à se dire. Se regarder dans le blanc des yeux sans oser mettre un terme à l'entrevue peut être terriblement gênant, crois-en mon expérience. Ou bien invite-moi à cuisiner chez toi. A un concours de pizza géante. Ou à manger des makis en matant le dernier blockbuster. Avec une nette préférence pour les adaptations Marvel. Ou une quelconque série. Si tu veux te démarquer, joue la carte vieux film en noir et blanc. Cellelui qui me proposera de revoir Certains l'aiment chaud marquera des points. Parce que Tony Curtis. Si tu veux exploser le score, joue la carte midnight movie. Plus c'est kitch, plus c'est artisanal, plus c'est absurde, plus je suis conquise. 
Attention : ce n'est pas un prétexte pour me sauter dessus. Je veux dire, ne te sers pas de l'avantage de jouer à domicile pour me piéger. Car, bien souvent, je t'opposerai un violent « non ! ». Encore une fois, si seules les histoires de sexe ou d'amour comptent pour toi, passe ton chemin. Je n'accepte de m'engager dans une histoire seulement lorsque j'ai le choix de l'issue. Lorsque mon amitié suffit. Je n'ai jamais bien compris l'argument « je ne veux pas être ton ami.e », ou pire « je ne cherche pas un.e ami.e, je n'en ai pas besoin ». Je l'ai sans doute déjà dit, moi aussi. Une banale blessure d'ego. Si tu veux me séduire, contente-toi de mon amitié. Elle est bien plus précieuse, plus loyale, plus fidèle, plus sincère, plus authentique, qu'une quelconque amourette de passage.

Et puis. Je t'en conjure. Ne te prends pas au sérieux. Ne joue pas à faire l'adulte. Même à cinquante balais. Ce n'est pas ton âge qui me séduira. Pas plus qu'il ne me repoussera. N'aie crainte du ridicule. Fais-moi rire. Fais-moi des grimaces. Faisons les idiot.e.s jusqu'à avoir des contractures aux abdos et aux zygomatiques. Je ne tombe amoureuse que de grand.e.s enfants. Entre dans mon imaginaire et je te déroulerai le tapis rouge vers l'ensemble de mes organes.
Je me fiche de tes années de vécu. Je me fiche de ton passé. Je me fiche de ton expérience. Je me fiche tes réussites. Je me fiche de ton statut social. De ta culture de bien-pensant.e. Je me fiche que tu lises les livres qu'il faut. Les auteurices snobs et incompréhensibles. Je me fiche des expos à voir absolument. Je préfère passer des heures à imaginer le monde autrement qu'il ne l'est.
Parle-moi, surtout. Décris-moi notre rencontre. Notre passé. Notre présent. Nos futurs. On s'en fout si c'est vrai. On s'en fout si c'est plausible. Considère-nous comme des personnages de fiction.

Enfin, joue. Joue, joue, joue. Joue avec moi. Joue avec les mots. Joue avec leur sens. Sexualise subtilement la conversation. Si je suis réceptive, tu le verras bien assez vite. Sois tactile si tu veux. Un peu. Très progressivement. Ne me propose pas de but en blanc de me faire un massage, je me sentirais agressée. Commence par faire l'amour à mes tympans. C'est ma principale zone érogène. A vrai dire, c'est surtout mon cerveau. Mais mes nerfs auditifs sont les plus sensibles. Les plus réceptifs aux stimuli. Je te jure, même les terminaisons nerveuses de mon clitoris ne sont pas aussi efficaces pour me faire tourner la tête.
Trouble-moi. Et laisse-moi te troubler. Montre-moi que je te trouble.  La séduction se danse à deux. Mais pas comme une danse de salon, où le partenaire mène le duo. En danse comme dans la vie, je suis impossible à guider. Vois plutôt ça comme une danse contemporaine. Un échange. La synchronisation de nos respirations. Souviens-toi que je cherche le jeu. Adversité ou coopération, peu m'importe. Joue contre moi ou avec moi, mais regarde-moi comme ton égale. Comme une joueuse à laquelle tu es fièr.e de te mesurer. Sinon, ce n'est pas la peine, change de partenaire de jeu.