Non, non, tu ne rêves pas, j'ai osé te foutre de la Reine des neiges en titre. Let it gooo, let it gooo, can't hold it back anymooore... Si tu l'as désormais dans la tête, ne me remercie pas. Coeur, fleur, papillon.

Les questionnements sur la consommation, le matériel et le bonheur sont dans l'air du temps. Et c'est une très bonne chose. Je crois surtout que le Grand Internet mondial est une aide précieuse à la propagation de ces questionnements. Et j'ai avant tout envie de remercier les personnes qui se sont acharnées, depuis des années, à faire émerger ces questions. A informer. A conscientiser. Parce que non, ça n'est pas arrivé comme par miracle. C'est pas dû à l'alignement des étoiles, quoi. C'est d'abord grâce à toutes ces personnes qui ont essuyé les moqueries, toutes ces personnes que l'on disait marginales et folles, qu'aujourd'hui ça s'est répandu. Il y a dix ans, je mangeais déjà pas de viande, je fabriquais mes cosmétiques, je lavais mon linge avec des noix de lavage, je portais une coupe menstruelle. C'est donc loin d'être récent. Parce que je suis loooiiiiin d'être une pionnière dans ce domaine. Bon, entre temps, j'ai trouvé le maquillage comme moyen d'expression et, en plus de sortir tous les jours avec un smoky flashy, un teint hyper travaillé, et des tatouages au liner sur la figure. Ah non, ça, ça a commencé au lycée... tsss. Je suis devenue acheteuse compulsive et j'ai transformé ma chambre en annexe d'une grande chaîne de parfumerie bien connue. Et même si j'ai arrêté le carnage depuis, j'ai encore de quoi maquiller tout mon quartier pendant 4 ou 5 vies. Ça n'a aucun sens.

Je me sens beaucoup moins seule avec ma vision du monde depuis que je lis des témoignages similaires à ce que je vis / ai vécu. Depuis que je peux échanger avec d'autres personnes. Il y a quinze ans et demi, quand je suis devenue végétarienne, je me sentais vraiment toute seule face au reste du monde. Et si j'ai tenu bon, c'est uniquement parce que c'était une évidence pour moi et qu'il ne pouvait en être autrement. Je trouvais ça totalement inconcevable de continuer à manger de la viande alors qu'elle avait engendré de la souffrance, comme je trouvais inconcevable de manger de la viande de certains animaux alors que je faisais des caresses à d'autres. C'était pour me prémunir de la schizophrénie, j'crois.
Adolescente, j'en ai beaucoup voulu à mes proches de ne pas voir l'évidence. Parce que je ne comprenais (et ne comprends toujours) pas comment on pouvait encore se regarder en face après avoir causé — consciemment, volontairement et en ayant le choix — la souffrance et la mort. Parce que, pour moi, manger de la viande, ce n'est rien de moins que de la torture et du meurtre par procuration. Je leur en ai aussi beaucoup voulu de chercher à me sortir du droit chemin en me cachant de la viande dans mes plats. C'était comme s'ils voulaient me tirer vers le bas, et en général, tu attends autre chose des personnes qui t'aiment.
Aujourd'hui, je me dis plutôt que si les gen.te.s sont bêtes et qu'illes ont envie de se tirer une balle dans le pied, c'est tant pis pour elleux. Je me dis que le monde est exactement comme il doit être. Et que si les gen.te.s ont envie de continuer à cultiver la haine, de soi et de l'autre, la violence, l'exploitation humaine et animale. De vivre dans une oligarchie, en légitimant le pouvoir des dominants. Si les humain.e.s ont envie de détruire leur lieu de vie, leur planète. S'illes ont envie de privilégier leur confort à ce qui est juste, c'est tant pis pour elleux. Je ne suis pas éternelle, je n'engendrerai pas de progéniture, je me fous bien de ce qu'il adviendra après moi. Ce qui ne m'empêche pas de faire ma part du boulot, et de contribuer à mon échelle au monde auquel je crois. J'accepte ce que je ne peux changer (ce que font les autres) et je mets toute mon énergie à changer ce sur quoi j'ai la main (ce que je fais).

Ce qui me sauve, c'est que j'ai une haute estime de mes valeurs et que je sais qu'il m'est absolument impossible de faire autrement que ce que je fais aujourd'hui. Je suis devenue totalement incapable d'éteindre mon cerveau et de travestir ce que je suis profondément. Et de toute façon, lorsque j'ai été capable de le faire, il a vingt ans, ça ne m'a rien apporté de bon. Oui, je suis une extrémiste de la pensée, et tant pis si ça impacte ma vie sociale. J'ai décidé si fort de me foutre que pensent les autres de moi ou de mes choix que faire des efforts pour leur plaire n'aurait pas de sens. Et je t'ai dit, le sens, tout ça.

En fait, c'est un peu ce qu'il se passe dans tous les aspects de ma vie. J'commence à ne plus rien avoir à foutre de l'avis des autres. Je commence aussi à ne plus avoir envie de leur plaire à tout prix. Tu vois, je suis en train d'arrêter de m'épiler. Attends, c'est pas encore complètement assumé. J'passe quand même encore un coup de tondeuse quand je vais à la piscine. Et je reste assez obsessionnelle des sourcils (on a les névroses qu'on peut), alors — pour le moment — c'est encore inenvisageable de me séparer de ma pince à épiler. Mais j'en ai absolument rien à foutre si les gen.te.s se mettent à hurler parce que ce n'est pas séduisant, féminin, parce que c'est négligé ou quoique ce soit d'autre. Les femmes ont des poils, donc c'est féminin, point. Cherche pas, je refuse tout débat sur cette vérité. Mais c'est vrai que la laideur et le manque de contrôle et de discipline sont des fautes particulièrement impardonnables pour une femme.
Alors je m'en cogne, que d'autres choisissent de s'épiler. D'accord, je ne peux pas m'empêcher de questionner la notion de choix, dans ce contexte. Mais je ne crie pas au scandale. J'ai bien conscience de toutes les forces en jeu. Et puis, défendre la liberté, c'est aussi de se battre pour que les gen.te.s puissent s'aliéner s'illes le souhaitent. Je ne me sens pas investie d'une quelconque mission de libération (sinon celle des poils incarnés). Les gen.te.s (et les poils) ont les ressources pour se libérer tout.es seul.e.s. C'est juste qu'à un moment donné si tu veux faire bouger les lignes, tu commences par faire bouger les tiennes. Charité bien ordonnée, tout ça. Et puis je n'érige pas la nature en objectif absolu ; nous sommes des êtres de culture. J'ai juste des envies culturelles un peu différentes, c'tout. Et j'peux comprendre que l'on souhaite s'épiler. J'peux aussi comprendre que ça te dégoûte, sur toi ou sur les autres, parce que c'est le modèle dans lequel tu as été éduqué.e qui façonne en grande partie tes goûts. En revanche, s'il te plait, contiens tes remarques et ton humour douteux si on ne te demande pas ton avis. Et laisse tranquille cette pauvre liberté d'expression qu'on balance à tort et à travers, en particulier depuis un an, parce que qu'est-ce que ton avis pourrait apporter si tu le donnes alors qu'on ne t'a rien demandé ? En quoi ça te dérange que je garde mes poils là où ils poussent ? Qu'est-ce que ça te retire ? Qu'est-ce qui te met mal à l'aise à ce point ?

It's time to see what I can do
To test the limits and break through
No right, no wrong, no rules for meee
I'm freeeeeeeeee!