Début avril.

Un week-end en Gelbique en quatuor. Anvers et contre tout. Rien que toutes les quatre. Sans mecs, sans progéniture, et sans connexion internet. Je confirme ce que j'avançais il y a deux mois : rien n'a changé. Malgré les chemins parcourus, les vies d'adultes. Dès qu'on est toutes ensemble, la magie opère. C'est comme si toutes les pièces du puzzle s’imbriquaient les unes dans les autres pour former une nouvelle entité. Un entité bloquée dans la vie étudiante. On vit en vase clos, dans notre bulle hermétique, notre cercle fermé. Qui a ses codes, son propre langage, ses expressions, ses gimmicks, ses running gags. Ce qui est assez fou, c'est que ce phénomène ne se produit que lorsqu'on est réunies toutes les quatre. Parce que quand on est à deux, ou à trois, ça n'a rien à voir. J'veux dire, on discute normalement. On inclut le reste du monde. On se comporte de manière civilisée, quoi. Le jour du départ, il a suffit que la dernière se ramène pour qu'on explose de rire et que la conversation parte en vrille. Quelqu'un d'extérieur nous prendrait pour des folles. Tout compte fait, illes nous prennent pour des folles. Les inconnu.e.s et leurs mecs. Celui d'Amy s'est presque habitué à ce que je parle d'elle en utilisant son surnom. Je le surprends encore parfois à tiquer. Le surnom que seul notre quatuor utilise. Ouais, parce qu'en plus, on peut pas s'appeler comme tout le monde. J'serais bien infoutue de l'appeler par le prénom qui est inscrit sur sa carte d'identité. Quand je m'y essaye, je trouve ça beaucoup trop bizarre, ça sonne faux. Et je trouve toujours aussi dingue qu'on ait encore autant de choses à se dire, après avoir passé trois jours à parler en continu. A se marrer comme des baleines, à parler très fort, à simuler des gémissements, à disserter sur les mycoses en sifflant un verre de vin en terrasse, à chanter très fort et très faux, à avaler plein de bubulles pour faire des concours de rots en pleine rue. A danser jusqu'au bout de la nuit. Sans calculer les types qui tentaient de s'introduire. C'était rigolo de les observer. Et de les rembarrer. On n'en avait rien à foutre. On étaient bien trop occupées à twerker et à inventer des chorégraphies animalières. Nos deuxièmes prénoms sont Classe et Discrétion. En toutes circonstances.
Elles me font rire. Elles me rendent légère. Souriante. Positive. Heureuse. Je les aime, mes jupitériennes.
Et j'crois que beaucoup de mes copines d'aujourd'hui ne connaissent pas la Zizanie qu'elles connaissent. La Zizanie qui se lâche et qui fait l'idiote. La Zizanie qui fait tourner les serviettes. Cette Zizanie manque à mon bonheur. J'ai besoin d'elle(s).