Fin juillet.

J'ai dit à Rahan que je n'aimais pas particulièrement Monet. Il m'a répondu que je n'étais pas humaine. On est atterrit à Giverny. Dans la conversation. J'ai toujours voulu aller à Giverny. Je gère très bien les contradictions. On y va demain ? Allez ! On a atterrit à Giverny. Dans le monde tangible.

J'ai passé toute la journée à rire. A en avoir des crampes aux zygomatiques. A découvrir des hortensias exotiques (en vrai, c'est juste que je ne les avais pas reconnus, sans toutes leurs fleurs), à regarder passer le cours d'eau. A dire du mal des touristes. A faire des photos imaginaires avec une perche à selfie imaginaire à peu près dans tous les coins. A faire la queue exprès pour faire notre photo imaginaire devant l'étang de nymphéas, sous les regards médusés des gens derrière nous. A chercher les grenouilles sur les nénuphars. Je n'ai trouvé que des libellules et des espèces de gros moustiques qui sautent, c'est déjà pas mal. A jouer à cache-cache entre les fleurs et les jambes des passants. Enfin, surtout moi. Rahan, il me suppliait de me tenir tranquille. A décréter que, désormais, toute autre cuisine me paraîtra bien trop fade pour cuisiner. Je veux mes carreaux de faïence, mon immense piano de cuisson, cet évier absolument parfait, toutes les casseroles en cuivre. Rien de moins. A boire du vin sans manger. A finir par manger, parce que j'veux bien être bourrée, mais pas affamée. A se perdre dans le village. A chercher des places pour le prochain concert de Mano Solo. Si tu penses qu'il est mort, il y a des affiches qui attestent du contraire, à Giverny. A comptabiliser le nombre de commerçants que j'ai informés que je n'aimais pas Monet. A photographier mentalement leurs expressions horrifiées à ce moment-là.

Non seulement je n'aime toujours pas Monet, mais en plus, j'ai fait une overdose de fleurs. C'est totalement indigeste et tape-à-l’œil, toutes ces fleurs.

Dans le train du retour, je l'ai embrassé. Sans ail. Il m'a demandé si j'avais eu une insolation. A travers les nuages. Je ne vois que cette explication.

Ah oui, j'ai renoué avec Rahan.
Gardez-moi ma cellule au monastère.
Bitch better have my Monet.