Nous, ça valait de l'or. Dis, est-ce que c'est oui ? Nous, ça valait la vie. Oui, non, encore ?

 

Fin juillet, toujours.

J'ai dit à Tarabas que j'étais fatiguée. De ses manigances. De ses reproches. De son ambivalence. Que j'en avais assez de jouer les reines du drame pour nous conforter dans ce jeu malsain dont le seul but est de nous rassurer sur nos sentiments mutuels.
Il s'est monté en flèche. Je lui ai répondu que je rappelerai à un autre moment. Il s'est excusé.
Il m'a raconté s'être engueulé avec son père. T'aurais pu lire la surprise sur mon visage. Tarabas ne s'engueule jamais avec son père. Il ne le contredit pas, ne le contrarie pas. Et puis, vu ce qu'il vient de vivre, c'était la dernière chose qui pouvait se produire.
Il m'a dit que son père lui avait demandé ce que je faisais encore dans sa vie.
Son père a toujours considéré que je le détournais du droit chemin. Que si je n'avais pas été là, il aurait fait une grande carrière. Qu'il aurait une vie de famille. Que ce serait quelqu'un de respectable et respecté. C'est son père. Il a toujours vu d'un très mauvais œil ma présence dans la vie de son fils.
Oh, c'est pas moi, le problème. C'est juste que je ne réunis pas tous les critères de sa projection de belle-fille idéale. Et que j'ai un peu trop tendance à pousser son fils préféré à faire ce qu'il veut de sa vie, ce en quoi il croit, ce qui le rend heureux. Quelle idée, aussi. En dehors de ça, on a toujours eu des conversations intéressantes, et nos rencontres se passaient sans heurt. Ce qu'il pouvait tolérer quand nous étions ados est devenu inacceptable aujourd'hui. D'autant qu'il pensait que le départ de son fils signifiait qu'il n'allait plus jamais entendre parler de moi. Ah oui, tiens, j'ai appris que c'était ce cher père si attentionné qui lui avait décroché un job au bout du monde. Plus rien ne m'étonne, venant de sa part. Toujours prêt à se plier en quatre, pourvu que ça creuse un océan entre nous. Un homme charmant, sans aucun doute.
Ça a mis Tarabas en colère. Vraiment très en colère. Habituellement, Tarabas prend la défense de son père. Dès que j'ose émettre une remarque, il me répond que je ne peux pas comprendre, que c'est son père, qu'il l'aime et qu'il fait ça pour son bien. Il a dit à son père tout ce qu'il avait sur le cœur et il est parti en claquant la porte. Bon, maintenant, il culpabilise à mort, mais jamais je n'aurais imaginer qu'il le fasse un jour. Et puis, cette façon d'agir, ça ne lui ressemble pas. Je tiens à mon titre. Et aux messages d'Amy qui commencent par « Drama queen chérie ». Qu'il me le laisse. Non mais.
Je suis restée muette.
Alors. Dans la foulée. Il m'a annoncé. Qu'il a rompu avec sa connasse de danseuse.

Wow.

Wow.

J'ai dit « wow » ?

Comment ça, je gagne du temps en attendant de remettre en ordre le bazar qui est dans ma tête ?

Prendre une douche froide, vite.

Prendre la porte.
Prendre le bus.

Prendre racine.

Prendre peur.
Prendre ses jambes à son cou.
Prendre le large.