Décembre 2017.

Fatiguée. Épuisée. Je savais bien que je n'avais pas le temps de travailler. Comment font les gens pour continuer à vivre en ayant un emploi à temps plein ? En se levant au milieu de la nuit, chaque matin. En rentrant sur les genoux, chaque soir. Même si t'aimes ce que tu fais, hein. Je ne pourrai jamais me contenter d'une activité unique. J'ai besoin de papillonner. J'ai besoin d'apprendre, de découvrir, de rêver. Alors je m'épuise. Ce qui fragilise mon immunité. Et ouvre la porte à tous les virus qui passent. J'en ai marre d'être malade. J'en ai marre de travailler pour être malade et pour. Rien.

C'est très difficile de tenir le rythme. Parce que j'ai décidé de ne pas totalement sacrifier mon besoin d'apprendre. Passer tes huit heures quotidiennes dans un endroit confiné, d'où tu ne vois pas vraiment la lumière du jour, sollicitée par plusieurs dizaines de personnes. Cinq fois par semaine. Parfois six. Voir ses compétences reconnues par tout le monde. Y compris ton chef. Y compris tes collègues qui souhaiteraient te voir à la place de ton chef. Et ne pas savoir trouver un appart', En vrai, l'argent, tu t'en tapes un peu. Mais si tu as accepté de vendre ton énergie au Grand Capital, c'était uniquement pour enfin retrouver un endroit à toi. Un endroit où tes affaires restent là où tu les as déposées. Ouais, bon, sauf quand les esprits des lieux décident d'en faire autrement. Si je n'ai plus à faire qu'aux esprits des lieux, ça m'ira très bien. Un endroit où tu ne retrouves pas en évidence ce que tu as jeté à la poubelle. Un endroit où tu n'as de compte et de conte à rendre à personne sur tes allées et venues. Un endroit où tu peux recevoir qui tu veux sans risquer de questions indiscrètes. Intrusives. Sans risquer qu'on t'en défasse, aussi. Ma famille a toujours eu cette tendance à la kleptomanie. Elle happe les passions, les idées, les centres d'intérêt, les amis, les connaissances, les projets, la personnalité, l'intimité. Un endroit où tu n'entendrais ni les sollicitations ni les reproches qui découlent des exigences non assouvies. Mon travail me laisse déjà si peu de temps et d'énergie pour faire autre chose que de m'occuper des autres.
Ce qui n'était plus une urgence l'est redevenue. Il me faut fuir.

Impossible. A Paris. Avec un petit salaire. Et un garant incertain. Puisqu'il me faut, pour avoir ce garant, compter sur un intermédiaire très peu fiable : ma mère. Qui a tout intérêt à me laisser à la place où je suis. Si j'y suis, elle n'a pas à y être. Et si je ne peux plus y être, elle serait ravie de m’accueillir chez elle. Plutôt crever. Autrement dit : elle n'a absolument aucun intérêt personnel à m'aider à trouver un appart'. Elle a la mémoire courte, pourtant. La dernière fois que j'ai ressenti ce besoin vital de quitter durablement le foyer familial, j'avais 17 ans. J'ai attrapé le premier venu, et j'ai emménagé avec lui, dans un minuscule studio infesté de cafards. Et j'y suis restée des années. Ce n'est certainement pas ce qu'elle voudrait. Et moi non plus. En situation de détresse, j'étais prête à renoncer à tout un tas de choses importantes pour m'éloigner de ma vampirisante famille.

Cette fois, je ne me jetterai plus dans la gueule du loup. Hors de question de quitter une emprise pour une autre. Parce qu'il y aurait bien une porte de sortie. Une personne qui n'attend que ça, de pouvoir m'aider me contrôler. C'est à la fois celle qui me serait le plus utile, avec ses compétences et ses moyens, et à la fois la dernière personne à qui je demanderai un tel service.

Et puisqu'il s'agit de Rahan, autant te dire tout de suite que nous n'avons pas résisté bien longtemps avant de nous revoir et de nous sauter dessus sauvagement. Mes hormones ont catégoriquement refusé de laisser partir un Lion ascendant Scorpion, Mars en Balance. Tu penses bien. Tu combines le Scorpion pour qui le sexe est la seule raison d'exister (ou à peu près). Pourquoi crois-tu que tous mes ex, ou presque, soient ascendant Scorpion ? Le Lion, de qui tu obtiens beaucoup uniquement par la flatterie. Le mode d'emploi du Lion est quasi transparent. Dis-lui qu'il est beau, intelligent, merveilleux, doué. Ou même qu'il est le plus. Beau, intelligent, merveilleux, doué. Et la vie devient facile. Avec un Mars en Balance très généreux, raffiné, qui aime faire plaisir à l'autre : tout ce qui fait un très bon amant (enfin, isolément, je trouve ça assez indigeste ; c'pas assez pervers pour moi, pas assez sale, un Mars en Balance). Et je te rappelle que l'astrologie, c'est la Vérité vraie. Bref, Rahan est un partenaire dont on ne se délivre pas facilement.
Alors, si on ne s'est pas remis ensemble, je n'ai pas réussi à m'épargner ces moments volés. Quelques heures. Quelques fois. Et je n'en suis pas hyper fière. Parce que Rahan est désormais avec une autre. Et que je m'étais promis de ne plus être ni celle qui trompe ni celle avec qui l'on trompe. Sauf que, voilà, les planètes se sont assises sur ma fierté. Bah ouais, c'pas de ma faute, c'est l'astrologie.

Je ne culpabilise pas vraiment. D'autant que je ne ressens pas une once de jalousie. Je m'en fiche, s'il appartient à une autre. Je ne voulais pas l'enchaîner. Et si j'avais besoin de l'être, il me suffirait de saisir le regard qu'il pose sur moi pour me rassurer.
En réalité, c'est aussi parce, depuis un bon moment maintenant, je développe une attirance et des sentiments totalement platoniques pour quelqu'un d'inaccessible. Inaccessible pour plusieurs raisons. Enfin, il pourrait devenir accessible si je décidais d'être un peu plus téméraire et un peu moins à cheval sur ma loyauté. Faut dire que ça m'arrange, qu'il ne le soit pas. Ça m'évite de me projeter dans la réalité et ses désillusions. Mais laissons ça de côté. Il n'y a rien à en dire, de toute façon.

Et je me suis suffisamment plainte comme ça pour un seul post.