Ouais, elle est complètement frappée. La marchande de sommeil.

Elle me bondit dessus, dimanche matin, sans crier gare, en me hurlant que ça ne va pas le faire du tout, que je ne vais pas pouvoir rester là parce qu'elle me voit trop. Comprendre : Me préparer à manger dans la cuisine. Et faire une lessive. Alors qu'elle avait adoré l'idée que je cuisine, lorsque je l'avais rencontrée. Et qu'elle s'extasiait la veille sur mon alimentation. En m'assénant que, les autres, elles ne les voyaient jamais. Et que je lui prends trop d'espace.
Sachant que je ne fous jamais les pieds en dehors de ma chambre, si ce n'est pour aller dans la cuisine. Que je mets systématiquement un casque pour écouter de la musique et que je bride à mort ma manie de chantonner en permanence. Je n'ai pas chanté une seule fois depuis que je suis ici. Je me rattrape dans la rue. Les passants me prennent toujours pour une dingue, et ça ne me pose toujours aucun problème.

Évidemment, ça m'a refroidie. Je crois que par-dessous tout, j'ai beaucoup de mal avec l'infantilisation. Je me suis faite gronder comme une petite fille qui avait fait une bêtise. Alors que non, d'une part, je n'avais enfreint aucune règle. Et ensuite, je suis tout à fait capable d'entendre qu'elle a besoin de l'accès à la cuisine le dimanche, et qu'elle préfère que je m'organise autrement. Sauf que ce n'est pas ce qu'elle a dit. Elle s'est mise dans un état pas possible. Il y a quand même d'autres manières de communiquer.

Ce matin, elle m'a attrapée sur le pas de la porte, toute mielleuse. Elle m'a demandé si j'avais bien dormi. J'ai répondu poliment. Elle m'a dit qu'elle avait l'impression qu'elle m'avait vexée. Je lui ai répondu que je devais partir travailler. C'est elle qui s'est vexée et est entrée dans son salon sur un « bon, au revoir ».
Et ce soir, lorsque je suis rentrée, elle est venue frapper à ma porte. Et m'a offert une bougie. En me disant que ça lui faisait plaisir, et qu'elle était angoissée depuis hier. Ben tiens, essaye d'acheter mon pardon, tant que tu y es. Tu étais toute pardonnée avant ça, je ne peux pas en vouloir à quelqu'un qui n'a pas la lumière à tous les étages.

Et je ne te parle pas de l'histoire de l'aspirateur. Depuis que j'ai souhaité savoir où il se trouvait. Et qu'elle m'a répondu qu'elle venait de le donner à sa gardienne parce qu'elle n'avait plus envie de le voir. Et que j'ai alors pris le balai. Elle passe son temps à me parler de l'aspirateur. Et à me demander si je veux qu'elle aille le reprendre à sa gardienne. Euh. Ben non. Le balai, ça me va aussi. Et à insister. Encore et encore. En m'assurant qu'elle peut aller le chercher, si je veux.

En fait, c'est ton problème, meuf. Si tu prends tout personnellement. Si tu t'angoisses d'abord pour notre cohabitation. Puis pour ma réaction. Et ce que je pense de toi. Si tu ne gères pas tes émotions. Tu n'as pas à me parler sur ce ton, même si c'est parce que tu n'as pas encore pris ton café. Même si c'est parce que tu es « comme ça », mais qu'il ne faut pas le prendre mal. Je ne le prends pas mal et je ne suis pas vexée, c'est juste que ça ne me convient pas. Tu es une personne toxique. Et la meilleure chose à faire, c'est de garder un maximum de distance avec toi, jusqu'à ce que j'arrive à me barrer. Je n'y suis pour rien si ça ne tourne pas rond dans ta tête. Je peux tout au mieux de donner les coordonnées de mon psy.
D'ici-là, ne prends pas l'habitude de venir frapper à ma porte pour me faire part de tes états d'âme. Je ne suis pas intéressée.