D'abord, je voulais te remercier, blog. J'pourrais écrire tout ça dans mon coin et faire l'exploration de mon système sur un carnet. Sauf que je me rends compte que déposer tout ça ici me permet de me délester d'un peu de poids, de ne plus n'avoir que mes épaules pour le porter mais celui d'un lectorat entier, aussi inexistant soit-il. Et puis, tu es un blog, tu n'es pas une personne que je chargerais de mon mal-être. Chaque lecteur, chaque lectrice peut choisir de lire ou non. De lire un peu, parfois, ou pas du tout. Merci à celles et ceux qui me lisent parfois.

Reprenons l'exploration. Quand tu commences à entrouvrir le portail et à en laisser filtrer une, toutes les autres parts saisissent l'opportunité pour se manifester. Je sais qu'il y en a d'autres dont je ne cerne pas encore les contours. Alors, faisons déjà avec ce qui se présente spontanément.

La protectrice directe de Matilda. Ouais, bon, M aussi protège Matilda. Ou plutôt, elle en prend soin, comme une mère. Mais, au départ, celle qui est arrivée en même temps que Matilda, c'est la Strega Nera. Celle qui d'abord a développé des capacités de visualisation extrêmement efficaces pour diriger les énergies. Celle qui s'est mise naturellement et instinctivement à créer des charmes et des sorts sans avoir la moindre connaissance ni la moindre influence sur le sujet, et surtout pas la moindre conscience de ce qu'elle faisait.
Si tu te souviens bien du roman de Roald Dahl. Oui, c'est bien à la première lecture de ce bouquin. Je ne me souviens pas de l'âge que j'avais, peut-être huit ou neuf ans. Que Matilda s'est baptisée. La pensée qui m'est venue une fois le livre refermé, c'était « eh mais c'est moi ! ». Aujourd'hui, je sais que ce n'était pas complètement moi, c'était elle, cette part de moi. L'identification était tellement forte qu'elle en a pris le prénom.
Et donc, dans le roman, Matilda développe des pouvoirs. Ce n'est pas ma Matilda directement qui l'a fait, mais sa protectrice. En même temps que Matilda, pour mieux vivre sa souffrance et son isolement, est née ma sorcière intérieure. Une superhéroïne alchimiste capable de transformer la souffrance en aventures romanesques.

Et, comme l'héroïne du roman, j'ai été forcée de l'oublier à une période de ma vie. Pas tout à fait comme elle, moi c'était à la fin de l'adolescence. Parce que je devais faire beaucoup plus d'efforts pour apprendre à m'intégrer socialement. La Strega Nera s'est mise en sommeil pendant dix ans. A travers ses songes, le mystique continuait pourtant à éclore dans ma vie. C'est exactement au moment où elle s'est endormie que je me suis prise de passion pour l'astrologie. Qui me paraissait plus structurée et tangible. Logique. Acceptable.
Aujourd'hui, je suis contente de l'avoir à nouveau à mes côtés. Elle toute entière, logique et irrationnelle à la fois. Pleine de paradoxes. Qui voient l'invisible. Parce qu'elle a la classe, ma sorcière. Elle est revenue en changeant de nom de scène. Aujourd'hui, elle se fait appeler Volta Noctis, parce qu'elle ne veut plus dire son nom d'enfance, parce qu'elle se protège elle-même derrière un nouvel avatar. Je sais que c'est la même personne.
Je me souviens très précisément du moment de son réveil. C'était au cinéma, devant l'Etreinte du serpent. J'ai senti une bouffée de joie m'envahir. La retrouver a été l'un des plus grands bonheurs de ces dernières années.

Comme je le pressentais, l'exploration de mon système m'aide à aller mieux. Parce que j'apaise une à une chaque part de ma personnalité. Parce que je les accueille telles qu'elles sont, sans jugement et avec compassion.
L'IFS a déclenché deux choses en moi. D'abord, il m'a permis de prendre conscience que tout ce que je ressentais était normal. Je ne sais pas si tout le monde se sent aussi multiple que moi. Ou si tout le monde se crée naturellement des personnages intérieurs. Encore une fois, je n'ai pas de point de comparaison à mon incarnation actuelle. Ce que j'ai toujours toujours fait, ça me paraissait totalement évident. Et je ne vois pas comment on peut fonctionner autrement. En même temps, c'est le duo Matilda / Volta Noctis, ça. L'imaginaire-refuge et la pensée créatrice. Je n'avais pas nécessairement conscience de tout le monde, mais je savais qu'on était au moins trois ou quatre. Et je trouvais ça vachement cool, de ne jamais être vraiment seule. Plus on est de fous, moins on ride.
Ensuite, l'IFS m'a permis de croire que j'avais le pouvoir de réguler tout ce petit monde. Que je n'étais pas obligée de les laisser se débrouiller seuls et d'en subir les conséquences. Du genre Jojo-le-drama qui fait son cirque, hurle et court dans tous les sens. C'est le premier à se montrer quand je lâche la barre. Jojo-le-drama, c'est panique à bord.

Et je comprends aussi pourquoi je pleure à chaque fois que je me reconnecte à moi-même. La dépersonnalisation et la déréalisation permettent de protéger du stress.
Bah oui, le stress peut avoir des conséquences extrêmement graves, allant jusqu'à la mort. Bon, ça va aller, Jojo-le-drama, on le sait qu'on risque de mourir à tout moment. Mais même pour les conséquences les moins graves, la réponse au stress est, entre autres, l'augmentation du cortisol. Et de l'adrénaline. Et d'autres trucs. Alors ces hormones sont bien pratiques et indispensables à notre survie. Sauf qu'à haute dose, ellles nuisent clairement à la santé. On parle de maladies cardio-vasculaires, par exemple. Et puis elles endommagent les fonctions cognitives. La mémoire, la concentration. Ouais, on est sur de la bonne conséquence bien pourrie. Qui a un effet contraire à ce que la source du stress voudrait. Par exemple, le stress au travail conduit à une baisse significative des performances. C'est con, hein. Et puis, ça fout le bazar dans le rythme de sommeil et la récupération. Le cortisol fout aussi le bazar dans la régulation de la glycémie et conduit à une prise de poids.
Bref, tout ça pour dire que le stress et ses réactions, en trop grande quantité pendant trop longtemps conduisent à un épuisement physique, émotionnel et mental. Niveau survie, on n'y est plus du tout. Donc, c'est le serpent qui se mort la queue. Encore un serpent.

Alors, forcément, le cerveau cherche et trouve des solutions pour sortir de là. Ça peut être plein de trucs. Chez moi il a très tôt pris l'habitude de disjoncter et de me déconnecter de la réalité. « M, c'est une rêveuse », « M, elle est dans la lune ». C'est comme ça que, dès l'enfance, mon entourage expliquait mes absences. Nombreuses et fréquentes.
C'est là qu'est née Matilda. Parce que Matilda, elle a été baignée dans le stress et les angoisses. De sa mère. La nervosité et les blocages. De son père. Et tout ça lui a été transmis comme si c'était les siens. Matilda, elle a appris très tôt à stresser. Et à tout envisager comme une source potentielle de stress. Ce n'était pas inné, on lui a appris à avoir peur de tout. Et on lui a appris que la réponse pour se protéger était de s'enfermer et de ne rien faire du tout. De ne pas prendre de risques, surtout. Tout est risque.

Le problème, c'est que, quand je suis dissociée, plutôt que de travailler sur la source du stress, j'ai tendance à fuir. Bah je comprends, en même temps, Jonas, mon cerveau primaire, cherche toujours le chemin le plus court et celui qui lui demandera le moins d'effort possible. Et le chemin le plus court, c'est le tampon émotionnel. Et donc je tamponne avec la nourriture principalement, les écrans, le punk-rock à fond les écouteurs. Moins souvent mais parfois avec la clope, l'alcool, la drogue, le sexe. Sur de courtes périodes. Oh, j'ai fait bien pire ; maintenant, ça va. Avec tout ce que je trouve pour ne pas laisser la moindre faille à mon cerveau qui lui permettrait de me transmettre des pensées non souhaitées et qui me provoquent davantage de stress. Le serpent, tout ça. Encore celui-là. Plus ou moins biblique.

Plus je fuis, plus je laisse mes peurs de la réalité prendre de la force. Et alors tout m’apparaît être dans la zone de panique. C'est exactement ce qui se passe en ce moment. Tout me fait peur. Vraiment très très peur. Au point de me tétaniser. La réaction naturelle de Matilda à la peur, ce sont les pleurs. Matilda a six ans, tu ne peux pas vraiment lui demander d'autres réponses. Et puis surtout personne n'a jamais mis de mots sur ce qu'elle ressentait. Donc elle n'est pas en capacité d'exprimer autre chose que des larmes.
Après avoir passé tant de temps isolée avec sa muraille de livres dans le placard sous l'escalier, Matilda est terrorisée à l'idée de sortir.

Nous ne sommes pas tous égaux dans notre perception du stress et dans nos réactions face au stress. Moi, j'ai tiré le gros lot, et c'est la raison pour laquelle Jojo-le-drama est aussi dramatique. C'est l'expérience de vie que j'ai choisie. Et, visiblement, il faut que j'en passe par là pour apprendre. Je ne sais pas ce que je vais apprendre, mais, désormais, je suis prête à échouer encore et encore. Et d'essayer encore et encore. Puisque c'est le seul moyen d'apprendre. D'apprendre à devenir qui je suis. En tout cas, on va faire du mieux qu'on peut jusqu'à la prochaine vie. Et si ce n'est pas assez, tant pis. J'ai tout le temps.