Can I get an amen?

 

Ouvrir son logiciel de traitement de texte. Y déverser toutes les émotions de la journée. Tout effacer. Et recommencer.

Tu te doutes que je reviens sur ce blog surtout pour de mauvaises raisons. Parce que je me sens seule et que je ne vois personne d'autre à qui je pourrais faire subir ce que je balance ici.

Au quotidien, je considère à peine mes émotions. C'est un peu ce qui fait que je les mange. Littéralement. C'est un peu ce qui fait que je suis incapable de perdre le poids que j'ai pris il y a quasiment dix ans. Lorsque j'ai tant usé de tampons émotionnels. L'alcool et la nourriture. Parce qu'à cette période, les émotions étaient en plus grande quantité que ce que je ne pouvais supporter. Et bon sang ce que je suis pourtant capable d'encaisser. Parce que Chaton. Qui était à la fois cause et remède. Remède cache-misère, mais remède quand même. Qui était la mauvaise réponse à mes failles affectives béantes, mais une réponse quand même.

Ce que je fais avec mes émotions, c'est mettre une couche de peinture blanche sur un mur infesté de champignons et ravagé par les termites. Je fais tellement d'efforts pour ne pas les imposer aux autres. Sans doute parce que j'ai subi les pleurnicheries de ma mère et l'impulsivité de mon père. Psychanalyse de comptoir. C'est pas faute de continuer à payer très cher quelqu'un qui m'entend (plus qu'il ne m'écoute) m'apitoyer sur mon sort. Que mon retour sur ce blog arrive au moment de ses congés annuels n'est pas une coïncidence. La raison pour laquelle je me sens particulièrement seule. C'est pitoyable.

Et je me demande toujours pourquoi les autres n'en font pas de même. Je fais immédiatement référence à la marchande de sommeil chez qui j'ai atterri. Puisque que je me retrouve à la rue depuis le décès de ma grand-mère. A la rue ou chez une folledingue qui me sous-loue, clandestinement et beaucoup trop cher, une chambre. Et qui, en plus, me prend pour son punching-ball émotionnel. Ouais, je te le fais pas dire, il faudrait que je me barre d'ici. Mais ce n'est pas comme si j'avais le choix. Ce n'est pas comme si je n'avais pas déjà déposé une quarantaine de dossiers et fait au moins autant de visites. Pour des chambres minuscules avec un vasistas qui donne sur un mur, au sixième étage sans ascenseur et dans lequel passe la moitié de mon salaire. Pour des sous-locations aux propositions douteuses. Pour des colocations ultra-sélectives. Pour des visites que j'effectue en même temps que trente autre personnes. Pour des propriétaires qui préfèrent louer à des étudiants. Pour des propriétaires et leurs assurances qui exigent de gagner trois fois le loyer. Parisien, le loyer. Sauf que pour trois fois mon loyer, j'ai accès au réduit sous l'escalier des Dursley. Et puis, je ne l'ai pas choisie par hasard, ma solution. Elle satisfait ma construction psychique tordue.

Plus qu'elle ne m'insupporte, la colère des autres me rend vulnérable. Elle fait remonter toutes les colères des autres. Tous les reproches. La peur de ne pas être à la hauteur. Le sentiment d'avoir mal fait. Le sentiment d'incompréhension. Le sentiment d'injustice. La peur d'être rejetée. Le sentiment de déranger. Le sentiment de ne pas être à ma place. La peur de la violence. L'insécurité.
Et, même si elle n'est pas justifiée, je fais toujours profil bas. Craintive. Vulnérable. Impuissante.
C'est la petite fille qui réagit. Et la grande de se demander pourquoi ça la met dans un tel état.

A chaque fois, c'est pareil. J'ai l'impression de faire un bond dans le temps. De retrouver mes fantômes les plus anxiogènes. De descendre dans les tréfonds de mes failles. D'être si mal, si mal au point de penser à la mort. C'est fou, quand même, que ces pensées suicidaires qui me laissent tranquille tout le reste du temps, puissent rappliquer si vite. A la moindre confrontation avec peurs les plus profondes. Aussitôt, le tunnel se rétrécit et je ne vois plus aucune échappatoire à ma situation. La psychanalyse m'aura aidée à réveiller mon réflexe analytique. Celui qui me permet de prendre plus rapidement de la distance avec tout ça. Celui qui met les éléments de la situation en perspective. Et, si j'ai toujours eu la manie de tout analyser, je dois bien constater que j'ai acquis de la rapidité dans l'exercice. Là, où, il y a encore quelques années, je me serais rongée pendant des mois, je n'y accorde plus que quelques jours. Parfois quelques heures.

Présentement, le tunnel s'est suffisamment rouvert pour que j'y aperçoive une lueur. J'irai mieux, c'est une certitude. J'irai suffisamment mieux pour que le tunnel ne rétrécisse plus à ce point. La grande inconnue de l'équation, c'est : quand ? Et combien de temps encore devrai-je survivre dans une incarnation que je refuse ? Jusqu'à ce que je l'accepte ? Jusqu'à ce que je m'aime ?
J'ai l'impression que ce n'est pas prêt d'arriver. Et pourtant.