W ne supporte pas quand M se comporte comme ça. Elle lui fait penser à ma mère. Qui déverse ses émotions sur les autres sans se demander s’ils sont en mesure de les recevoir. Et qui attend autant des autres, qui leur reproche de ne pas être à la hauteur de l’oblativité de son amour. L’oblativité de quoi, wesh ? Tu étouffes les autres de ton amour. Tu remplis ton besoin de te sentir considérée en donnant tout ce que tu as. Et puis arrête de chouiner, c’est bon, on n’en peut plus de tes ouin-ouin. W est sans pitié. W a peur que M se retrouve seule. Qu’elle se sente rejetée. Qu’elle en souffre. W, elle ne comprend pas vraiment le Soleil en Cancer, tu vois. Elle a envie de les secouer très fort. Et de les écarter de sa vie. C’est trop d’émotions, trop, trop, trop.

Ma W, je te remercie d’être là. De nous protéger comme tu le fais. Je te remercie de calmer M quand elle s’emballe trop. Parce que c'est notre fonctionnement habituel. M tombe amoureuse, elle s’enflamme, elle connecte, elle projette, elle se voit mariée avec quinze enfants dans une grande maison, avec le grand amour de sa vie, l’amour éternel. Et là, tu as W qui débarque, qui met une claque derrière la tête de M, et qui reprend les rênes. W rompt. Souvent de but en blanc. M se retranche dans son monde intérieur. Et la vie reprend son cours.

Ma pote : Mais pourquoi tu as rompu ? J’adorais votre histoire avec Sirius.
W (grand sourire) : Les histoires d’amour finissent mal en général.
Ma pote : Tu avais l’air si amoureuse !
W (saoulée) : Oh ça va, c’est bon, on s’en fout, l’amour ça n’existe pas.

W, c’est celle qui te dit que ça la saoule. Froidement. Vraiment, elle s’en contrefiche. Que ça va, c’est bon, y’a pas mort d’homme, Sirius va s’en remettre. C’est W la façade. Derrière, tu as M qui est effondrée. M, c’est une fontaine Wallace, elle ne s’arrête jamais de pleurer. Mais ça ne transparait pas.

Ou alors, quand ça transparait, c’est parce que M est en stress. La tristesse ne traverse pas le filtre waryien, la peur si.
M, comme je te l’ai dit, ça se voit immédiatement quand elle est paniquée. Enfin, ça dépend. C’est assez étrange, parce que parfois, W prend le lead. Quand il faut assurer. Quand il faut y aller. Ne pas se poser de questions. A ce moment-là, je ne peux pas m’empêcher de montrer des signes de nervosité avec mon corps. Tandis que mon expression parait détendue et sûre d’elle. Ça, c’est W. Elle fait ce qu’elle peut, elle sauve la face. Mais elle ne peut pas endiguer toutes les émotions seule. Elle préfère ça à ce que je me mette à pleurer, tu vois. Parfois, elle n’y arrive pas, W. Et elle s’en veut terriblement de s’être manquée. Nous, on ne t’en veut pas, ma W, on sait que tu fais tout ce que tu peux pour nous protéger. Et tu es la meilleure protectrice qui soit. Tu es d’une efficacité redoutable.

Je sais que tu ne veux pas lui faire du mal, à M. Je sais que ce n’est juste pas ton rôle d’éprouver de l’empathie. M, elle en éprouve pour dix, alors il faut bien compenser. Et puis, surtout, tu ne serais pas du tout efficace, si tu ressentais quoique ce soit. Tu te mettrais à chialer toi aussi, et on serait bien. On serait ma mère, tiens.

Je ne te demande pas de changer complètement. Tu es parfaite comme tu es, ma W. Je te demande juste, si tu veux bien, d’arrêter de juger M. Je sais bien que tu le fais pour nous protéger, mais ce n’est pas efficace. Ça la fait souffrir. Parce qu’elle ne peut pas être elle-même, elle ne se sent pas à sa place. Et on ne veut pas que M souffre. Je sais très bien que tu ne le veux pas non plus. Tu ne cherches jamais à la dénigrer ou à la mettre dans l’embarras volontairement.

Continue à lui passer devant quand tu sens que les émotions deviennent ingérables. Ça, on en a besoin. Continue à faire foirer nos histoires d’amour. Ça, ce n’est vraiment pas important pour moi. Enfin pour une majorité d’entre nous. Matilda a tout ce qu’il lui faut dans ses livres. Charlie ne comprend même pas le concept d’histoire d’amour. Toi, t’as pas le temps pour ça. Tu dois contourner les icebergs, échapper aux krakens. Tu dois t’assurer que notre navire continue à parcourir le plus longtemps possible l’océan de notre incarnation actuelle. Et les autres, ce n’est pas leur préoccupation principale. Jonas, avant la survie de l’espèce, il pense à la notre. Le juge Fourmi, pareil. Et Naüm, il a juste envie de mourir. Tu vois, il n’y a que M qui est amoureuse de l’amour. Qui a envie de vivre les grandes aventures romanesques des livres de Matilda. Des téléfilms de Noël.
"Des romances nerveuses. Des romandes nerveuses. Des romances nerveuses. Des romances nerveuses."

Alors oui, je suis d’accord, ce n’est pas juste que M nous coince dans un mariage monogame exclusif, alors que la majorité d’entre nous n’a pas du tout envie de ça.
Ça, je te le concède bien volontiers. Pour le reste, je te demande de ne pas juger ses larmes. De ne pas juger son comportement envahissant. Étouffant. Son comportement de mère méditerranéenne. Elle fait comme elle peut, M. On fait tous comme on peut. On en est tous là.

Je suis sûre que tu seras une super alliée pour m’aider à prendre soin de M. Tu sais combien elle en a besoin. Et tu as le sens du devoir. Merci pour ça.
Parce que j'apprends à prendre soin de M. Chaque jour un peu plus. J’apprends à l’aimer, et à ne plus vouloir la cacher à tout prix. Et j’apprends à soulager ses souffrances, plutôt que des les enfouir avec celles de Naüm. Je tâtonne, j'y vais à l'instinct. L'écriture et les séances chez le psy ne suffisent pas à endiguer des anxiétés fortes qui durent depuis plusieurs mois maintenant.

Je me suis dit que, là en ce moment, j'avais besoin d'un coup de pouce moléculaire. Pour provoquer une réaction chimique dans mon cerveau et réguler une partie de celles qui se font malgré moi. Histoire de me sentir mieux physiquement. Évidemment, ça ne va rien régler des facteurs de stress, ni de ma perception des enjeux (que je crée en excès, certes).
Parce que les anxiétés prennent trop de place, il n’est pas question pour moi d’aller chez le médecin. Parce que cette action, en apparence anodine, génère chez moi davantage d'anxiété encore. La peur du jugement, la peur de ne pas être prise au sérieux, la peur de ne pas être écoutée et entendue, la peur qu'on me donne un traitement que je ne souhaite pas prendre dans l'immédiat. J’y suis pour rien si le comportement délétère du corps médical conduit à des sorties du circuit. Les soignants, moins je les vois, mieux je me porte.

Et puis parce qu’il n’est actuellement pas question de replonger dans les benzodiazépines. Pour plein de raisons, et en premier lieu en raison du très fort risque de dépendance. Physique. La dépendance mentale, de toute façon, un tas de trucs peuvent l’entrainer. L'accoutumance et les autres effets secondaires. La somnolence. Les troubles de la mémoire. Même si bon, le stress abîme déjà sacrément mes fonctions cognitives. Je ne suis pas prête à en rajouter une couche. A chaque fois que j'en ai pris, et quelque soit le dosage, j'avais la sensation que mon cerveau était éteint. Ce n'est pas quelque chose d'envisageable pour moi, à ce stade.

Et non, les exercices de respiration, la méditation, le yoga, le sport, la camomille, ou je ne sais quel conseil de bon sens ne sont actuellement pas non plus des options envisageables. Le psy, si. L’écriture aussi. Mais c’est déjà ce que je fais. Et en effet, ça m’aide à faire redescendre un peu le niveau d'anxiété.

Je l’avais évoqué dans un autre post. La réaction du cerveau face à un agent stresseur est de donner l’ordre, par tout un enchainement en cascade, à nos glandes surrénales de produire davantage de cortisol et d’adrénaline. Parmi d’autres hormones. C’est très utile sur le court terme. Sauf que si ces hormones restent à un taux trop élevé sur le long terme, elles endommagent le corps. Parce que bon, l'adrénaline quand tu dois affronter une situation impliquant un potentiel danger, ou un effort intense, c'est assez indispensable. En revanche, quand tu te réveilles tous les matins avec de la tachycardie, c'est moins top pour le corps. Alors la balance bénéfice-risque de l’option “attendre que ça passe” ne penche pas toujours du bon côté. Et, dans mon cas, actuellement, ce n’est pas une bonne idée d’attendre que ça passe. Je sens chaque jour un peu plus la fatigue s’accentuer. Autant physique que mentale et émotionnelle.

Bref, je me suis renseignée sur plein d’options. En allopathie, en phytothérapie, en aromathérapie. J'pourrais d'ailleurs compléter mes recherches du côté des oligo-éléments et de la médecine fonctionnelle, tant que j’y pense. Ou tout simplement en ce qui concerne le magnésium. J'ai des crampes en pagaille, en ce moment. Comme je te l'ai dit, je tâtonne, le travail de réflexion reste en progression. C'est le principe de l'autodiagnostic, forcément ça met plus de temps. L'autodiagnostic, c'est bon, mangez-en.

Et non, l’autodiagnostic, ce n’est pas le résultat d’un effet Barnum. Ce n’est pas parcourir Doctimachin et se découvrir tout un tas de pathologies. L’autodiagnostic, ce n’est pas de l’hypochondrie. Des biais cognitifs, on en a, évidemment. Des biais de confirmation, par exemple. Mais ils tendent plutôt à écarter l’idée qu’on est malade, à retenir au contraire, les informations qui vont dans le sens qu’on n’a rien. Que ce n’est rien. Qu’on est comme tout le monde. Et que ça va passer. Au premier abord, on n’a pas envie d’envisager qu’on a un problème, un handicap, un trouble, une pathologie quelconque. Tout simplement parce qu’on est dans une société validiste. Et ça, c’est systémique.

Et puis, comme toute bonne introvertie, je réfléchis beaucoup plus efficacement à l’écrit. Donc je partage avec toi mon cheminement. Plutôt avancé, mais pas du tout abouti.
Ce que je teste en ce moment, c’est le CBD. Ce qui semble fonctionner chez moi. Le principal défaut étant le prix. C’est vraiment très très cher. Vraiment cher. Quand on a besoin d’une dose assez forte. Que ce soit en concentration ou en quantité. C’est la même chose, pour le même résultat.
Je vais l’expérimenter sur une courte période, a priori je ne poursuivrai pas à plus long terme. Pour l’heure, je ne sais pas vraiment faire autrement. Tiens, c’est le “sais” belgo-ch’ti qui est ressorti, là. C’est fou que ça me reste, ça fait maintenant 7 ans et demi que j’ai rendu mon appart lillois. Wow, je n’ai pas l’impression d’être partie depuis si longtemps. Ça reste chez moi, mon Grand Nord hostile. Mes briques rouges, ma drache et mes pingouins. Une partie de moi s’y est installée pour toujours.

Je me suis écoutée plus que je n’ai écouté les recommandations de base pour la posologie. Je n’avais pas le temps de prendre le temps. La première fois que j’en ai pris, j’ai senti immédiatement mon corps se relâcher. Il faut dire que j’étais dans un état de fatigue extrême, ce jour-là, alors forcément, les effets se sont davantage fait sentir. Et les voix dans ma tête baisser le son. J’avais moins cette sensation de cacophonie. Ça m’a fait une pause. Un réel soulagement.
Souvent, ça m’aide un peu à me détendre avant de dormir. Ça baisse le son, mais les voix sont toujours là. Parfois, je continue à tamponner avec autre chose pour ne plus les entendre. Tu crois que je suis en train de faire quoi, là, en rédigeant ce post ? Parce que j’ai peur que le volume monte si j’arrête de faire ce que je fais. Écrire, visionner des vidéos, manger. Ce genre de choses. Il n’empêche que ça aide. Je tamponne un peu moins longtemps, et c’est déjà ça de pris sur mes heures de sommeil. Si j’arrive à dormir 5 heures plutôt que 3 ou 4, c’est une vraie victoire. Voilà l’effet que ça a sur mon sommeil. Et le matin au réveil, ça fait passer un peu plus vite cette sensation d’être arrachée à la mort. Pas toujours. Pas tous les jours. Pas à chaque fois. Mais le réveil est si douloureux que si la douleur baisse ne serait-ce qu’un tout petit peu, le soulagement se ressent réellement.

C’est ainsi que l’on commence ensemble à prendre soin de M. Qui est une super hôte. Et que je remercie encore d’assumer comme elle le peut ce rôle difficile.