Quelques jours. Que ce blog me trotte de nouveau en tête. Un pas en avant, trois pas en arrière. Il paraît que je dois me remettre à écrire. Pour mettre des mots sur mes émotions. Celles que je refoule. Derrière ma carapace. Derrière mon indifférence. Je fais en sorte que rien ne me touche. Je n'ai pas le droit d'être en colère, d'être triste, d'avoir peur. D'être joyeuse, même. Ce serait donner trop d'importance aux autres. Je préfère encore paraître froide et snob. Antipathique, même. Pendant longtemps, je t'ai trouvé antipathique. C'est ce qu'on m'a dit il y a un mois de ça. Mais en fait, tu gagnes à être connue. Je n'ai pas envie d'être connue. Je voudrais être transparente. Je voudrais qu'on ne s'occupe pas de moi. Qu'on ne me voie pas. Que je ne sois pas obligée de dire bonjour. D'être sociable. C'est quelque chose que je déteste par dessus tout. S'obliger à dire bonjour et taper la causette quand tu n'en as pas envie. A tes collègues, surtout. Des gens sans intérêt. Tu t'en fous de savoir que sa belle-fille vit à côté de chez toi. Tu n'as pas envie de poser de questions. Et encore moins de répondre aux leurs.

Sauf que les émotions ne se désagrègent pas. Elle s'accumulent. Jusqu'au jour où tu sens les larmes monter parce que tu attends depuis quarante-cinq minutes une amie qui n'arrive pas, et qu'elle reste injoignable. T'en as marre de te faire prendre pour une conne. D'attendre depuis plus d'un mois des nouvelles de quelqu'un qui n'en a plus rien a foutre de ta gueule. Et encore, la dernière fois que tu en as eu, c'est toi qui les as provoquées.
Et puis tout te revient comme un boomrang. Que tu as été obligée d'accepter l'aide financière de ta famille. Que si tu voulais continuer tes études, tu n'avais pas le choix. Parce que non, merde. Tu ne veux pas te contenter d'un job alimentaire. T'as déjà du mal à garder les tiens plus d'une semaine. Que ce soit chez Ronald ou tout travail qui consiste à mettre des trucs dans des boites, et des boites dans des boites plus grandes, le tout à la chaîne. La production te gêne. Ce n'est pas dans tes valeurs. Tu te sens mal. Tu n'es pas en accord avec toi-même. Mais que font les gens ? Il paraît qu'il n'y a pas de sot métier. Pardon mais être payé au SMIC pour un job dans lequel tu dois produire toujours plus pour engraisser une poignée de personnes, faut vraiment pas avoir la lumière à tous les étages. Produire plus, consommer plus. Je n'ai pas ma place là-dedans. J'ai bien essayé pourtant. De transformer ma chambre en rayon d'une grande chaîne de distribution de cosmétiques. Bien sûr, quand on m'en fait la publicité, moi aussi je suis tentée d'acheter. Mais tout ça ne rime à rien. Ce n'est pas la vie que j'ai envie de mener. Et parce que si j'assume depuis longtemps mon végétarisme à tendance végétaliste, je pense pouvoir être en mesure d'assumer plus. Mais ça, ce sera quand j'aurai un job qui me donnera envie de me lever le matin. Et ce ne sera pas avant deux ans. Oui, parce que je suis repartie pour un master. Docteur Freud me l'avait dit. Quand j'hésitais. Quand je doutais. Moi, je crois que vous le ferez ce master. Docteur Freud, je ne le vois plus. Le master, j'y suis inscrite. J'ai besoin de m'épanouir dans une activité que je vais pratiquer sept à huit heures par jour. Sinon, je dépéris. Et je ne conçois pas ma vie comme ça. Mais pour qui tu te prends pour dire que tu veux pas finir éduc' ? Je le répète et j'assume. Je ne veux pas être payée une misère pour être une garante de l'ordre social. Alors que justement, il ne me convient pas tel qu'il est. Travailler moins, gagner plus, tout ça, ça m'est égal. Là, tout ce que je vois, c'est que je compte bien. Dépenser moins pour voyager plus.