Tarabas va se marier. Rien qu'en l'écrivant, je fais une descente d'organes.

Il a trouvé la bru idéale, qui plaît à son père et qui s'encastre aussi bien dans son modèle traditionnel de la famille parfaite qu'un four micro-ondes dans une cuisine aménagée.

Oui, je suis amère. Parce que je n'ai pas eu le courage de risquer la prison pour avoir séquestré mon ex dans ma cave. Pourtant, il est à moi, et on ne touche pas aux affaires des autres. A plus forte raison si les autres sont ascendant Taureau. Ce qui est à moi est à moi, et pourquoi ce qui est à toi n'est pas encore à moi ?

Contrairement à ce que j'ai beaucoup lu sur l'ascendant, quasiment tout le temps présenté comme « le paraître », et qu'on oppose au Soleil, qui serait « l'être », je pense au contraire que l'ascendant est notre part la plus naturelle, la plus instinctive, la moins contrôlable. Là où le Soleil reflète pour moi l'aspect le plus intellectualisé d'une personnalité, lié aux valeurs profondes. Quelque chose de l'ordre de l'inné et de l'acquis.

Fin de l'interlude astrologique. Il fallait bien que je digresse sur un sujet plus léger, pour éviter de m'effondrer.
Je ne vais pas te mentir, je savais que ça allait arriver. Tarabas m'a fait le célèbre et présidentiel coup du « si tu reviens, j'annule tout ». Je l'ai revu à plusieurs reprises, ces derniers mois. Et je n'en attendais pas moins de lui.
Si l'amour, c'est d'aimer l'autre pour ses défauts avant de l'aimer pour ses qualités, personne n'a jamais autant aimé que je n'ai aimé Tarabas. Que je n'aime Tarabas.

J'ai occulté tant que je pouvais. La différence, c'est que désormais tout le monde le sait. Sa famille, ses amis. Mes amis. Mon mec, parce que l'occasion était trop belle de dissiper ses doutes. Elle, accessoirement. Et, tant qu'à faire, deux de mes collègues aussi.
Ça rend l'idée beaucoup plus concrète. Je ne peux plus la cacher dans un tiroir en souhaitant qu'il ne la retrouve jamais.
Le pire, c'est que tout le monde est très heureux pour lui. C'est à gerber.

Oui, je suis amère. Parce que ma relation avec Tarabas me raccrochait à. Lui permettait d'exister. Nous avons toujours été trois dans cette histoire. Trois, ce n'est pas quatre ou cinq. Ce n'est pas la porte ouverte à toutes les fenêtres. Tu ne comprends sans doute rien de ce que je raconte. On s'en fout.

Oui, je suis amère. Parce que Tarabas a essayé de m'embrasser il y a à peine deux mois. Je trouve ça sordide. Un tel mépris pour elle. C'est fou d'être à ce point centré sur soi pour ne pas voir le mal qu'on peut faire ? Ou au contraire, de le voir et de décider sciemment que ce n'est pas le plus important.
Et si ça sonne comme un jugement, ça n'en est pas : j'ai été cette personne, il n'y a pas si longtemps, à l'échelle de l'humanité.

Je ne peux que citer ce Grand Penseur de la pop-culture : POURQUOI ? Pourquoi ? Pourquoi être aussi corrompu ? Putain ! Education de merde ! Aucun honneur ! Aucune dignité ! Rien !

 

Certes, j'ai un gros problème d'ego et de possessivité. Il paraît que choisir, c'est renoncer. Je n'accepte pas l'idée de le laisser s'échapper et qu'il donne à d'autres ce qu'il me donnait à moi. Je n'accepte pas de ne plus pouvoir le contrôler. Certes, va vraiment falloir que je travaille sur le lâcher-prise.

Au-delà de mes problèmes d'ego et de possessivité mal placés, il y a surtout quelque chose de réellement mal intentionné dans sa démarche. Je ne suis pas surprise. Mais j'ai le droit de ne pas le vivre bien.
Cette impression qu'il se sert de son couple pour me faire réagir. Alors que tout le monde trouve ça très bien, qu'il se marie enfin. Je culpabiliserais presque de ne pas trouver ça « très bien », moi aussi. Heureusement, personne ne m'a encore demandé de me réjouir de son bonheur. De toute façon, je n'en ai pas l'intention.

Il ne me demande pas simplement d'accueillir la nouvelle et d'avoir une émotion passive face à elle. Et il serait alors légitime que je sois malheureuse. Ce n'est pas de la douleur, que je ressens. Je ne subis pas la situation. Au contraire, il me demande d'agir. Même si l'action consiste à refuser d'agir, il me demande d'être actrice de leur mariage. Il me donne un rôle à jouer dont je ne veux pas, un pouvoir dont je ne veux pas et qui vient mettre un coup de pied dans mes valeurs. Ce n'est pas moi qui ai choisi d'avoir un rôle dans leur union. Il m'implique malgré moi dans sa relation avec sa future épouse alors que je n'ai rien à faire dans leur histoire. Je préférerais qu'il n'y ait pas de « leur histoire », mais puisqu'il y en a une et que je ne veux rien y faire, j'aimerais qu'il me laisse en dehors de ses décisions et qu'il les prenne et les assume tout seul.

Au moins, ça me conforte dans l'idée que j'ai fait le bon choix en mettant un terme à ma relation amoureuse avec lui, même si notre relation reste ambiguë (et que ça me va bien comme ça). Ça me fatigue, ce genre de jeu malsain.