Je viens de comprendre ce qui se passe quand je panique. Mon cerveau est en surchauffe.
"Non mais vous surchauffez pas un peu du citron, non ?! Vous voulez que j'vous dégage la nuque à la serpette ?"

Hier, une amie m'a posé une question très simple et sans aucun enjeu. En apparence. Mon cerveau ne s'est pas gêné pour créer de l'enjeu là où il n'y en avait pas. Bah oui, ce n'est pas drôle, sinon.
On était en train d'imaginer ensemble le reportage que Faites entrer l'accusé aurait réalisé sur un meurtre qu'elle aurait commis. Avec l'intervention de son expert préféré en chemise satinée. Ouais, non, ne cherche pas à comprendre plus que ça, on craque un peu. Et ce sont les seules conversations que j'arrive à tenir. Enfin, je le croyais. Visiblement, raconter des conneries, c'est déjà trop pour moi.

Moi : Voix off, "Machine, une jeune femme sans histoire, a réduit en brochette ses supérieurs hiérarchiques, avant de les calciner au barbecue".
Elle : "Ainsi que la supérieure hiérarchique de..." Comment veux-tu qu'ils t'appellent ?

Et là, là, à cet instant précis, je sens une bouffée d'angoisse monter. Une sensation oppressante qui ne sort de nulle part. Ou presque. Parce que c'est là que je les entends. Les moussaillons. L'équipage. Les voix dans ma tête.

Il y en a un qui dit qu'il s'en fout. L'autre qu'elle n'a pas le temps de réfléchir. Une autre encore qui a les doigts dans les oreilles et qui hurle "lalalalalalala" parce qu'elle est flippée. Un qui m’assène "il faut que tu trouves le nom qu'elle attend". Suivi très rapidement par "t'es vraiment trop nulle, de ne pas savoir répondre à la question". Un autre qui me dit "c'est toi qu'on devrait tuer, au moins ce serait réglé". Un autre encore qui hurle qu'il ne veut pas aller en prison, qu'on en mourrait. Et la dernière qui se tient la tête en les suppliant de se taire.
Le jeu du jour : Les différentes parts de ma personnalités sont cachées derrières ces pensées. Saurais-tu les identifier ?

Je me suis rendu compte ce matin que je ressentais un sentiment similaire lorsque le réveil sonnait.
A ceci près qu'il y en a une qui me supplie de la laisser dormir. L'autre qui me dit que que si je ne dors pas, je vais être trop fatiguée et je vais mourir, parce que si, on peut mourir de fatigue. Mais aussi que si je ne me lève pas, et que je ne vais pas travailler, je vais perdre mon emploi, perdre mon appart, me retrouver sous les ponts et mourir. Une autre qui a toujours les doigts dans les oreilles en hurlant "lalalalala". Un qui me répète que je suis vraiment trop nulle de ne pas être capable de sortir de mon lit, parce que c'est quand même l'action la plus simple au monde. L'autre qui continue à me dire qu'il n'en à rien à foutre. Un autre qui me dit qu'il a une solution pour que je m'endorme pour toujours. Et une autre encore qui, quand ça devient critique, finit par m'ordonner un tonitruant "allez bouge-toi maintenant, fais pas chier, on n'a plus le temps de bavarder".
Et maintenant que j'ai tout mélangé, les reconnais-tu ?

Depuis que j'apprends à les connaitre, je les entends. Je les comprends. Je compatis à leurs souffrances, à leurs besoins. Je ne sais pas encore comment les apaiser, mais je crois que ça viendra.
Ça fait déjà un petit moment que je m'entraine à calmer Jojo-le-drama. Lui, je commence à savoir communiquer avec. Oui, mon Jojo, c'est vrai, tu as raison, si je ne dors pas, je peux mourir. Et je te remercie de vouloir nous empêcher de mourir. Mais le risque est présent seulement si je ne dors pas du tout et pendant assez longtemps. Plus que deux ou trois jours. Alors si je dors trois ou quatre heures par nuit pendant quelques jours, certes je ne vais pas être très en forme, mais on ne va pas mourir. Promis, on dormira plus longtemps ce week-end, pour compenser. Et puis oui, c'est vrai, tu as raison, si je ne vais pas travailler, les conséquences que tu évoques sont une possibilité. Merci de chercher à nous éviter cette situation. Mais regarde, des possibilités, il y en a d'autres. Déjà, ça ne m'est jamais arrivé jusque-là. Et si je devais ne pas aller travailler, j’appellerais mon employeur et je trouverais une excuse, un motif légitime pour ne pas me faire virer pour abandon de poste. Ne t'inquiète pas, même sur pilote automatique, je sais éviter les icerbergs. Ça fait un moment que je pilote ce galion, et, depuis que nous sommes adultes, je fais ce qu'il faut pour survivre.

Il n'y a plus personne sur qui je ne puisse me reposer. C'est bien le problème, en ce moment, certes. Mais je sais faire. M sait faire. Et si M ne fait plus, W prend le relais. Et si W n'arrive plus à gérer, elle trouvera une solution. W trouve des solutions, tu te souviens ? W est la meilleure d'entre nous dans la gestion de crises.

La dissociation de Charlie et W s'est faite précisément pour ça. A l'adolescence, W a senti qu'elle avait besoin de prendre le gouvernail. Mais qu'elle devait renoncer à tout ce qui constitue Charlie pour être efficace. Non, parce que Charlie, j'ai beau l'aimer d'amour, et avouer que c'est mon chouchou, il faut dire ce qui est : il ne pense qu'à sa gueule. W s'est détachée parce qu'il fallait prendre le relais de M et s'occuper du quotidien. Charlie n'a aucune envie de s'encombrer des bassesses matérielles et encore moins des responsabilités. Charlie préfère que quelqu'un d'autre s'en occupe à sa place. Pour mieux critiquer. C'est aussi pour ça que Charlie ne prend jamais la barre. Ou quasi. Je le vois surtout apparaitre dans les discussions tardives où l'on refait le monde. Charlie, il apparait beaucoup dans mes pensées et dans mes discours, mais il se montre peu dans l'action. Charlie, il est souvent là en co-conscience. Tu sais que je t'aime, mon Charlie, et j'adore t'entendre, mais bordel heureusement qu'elles sont là, tes soeurs, sinon on serait dans la merde.

W, elle, a senti qu'elle ne pouvait plus se reposer sur les épaules de M. Parce que les responsabilités de M se multipliaient au fur et à mesure que le corps prenait de l'âge. Alors elle s'est pointée à la timonerie, et elle reste là au cas où. A tout moment, elle peut redresser la barre.

La preuve : je suis au travail. Je ne travaille pas tellement, mais j'y suis, je fais acte de présence pour pouvoir être payée.