Je suis passée du côté obscur de la force. Mes neuvièmes dix-sept ans et mon quart de siècle. Je suffoque, je vais mourir, j'agonise. Je n'arrive plus à déglutir et mon estomac fait du macramé. Vite, une crème anti-rides. Baume pour apaiser mes angoisses de décrépitude. Dramatique.

Il sait. Il connait le remède pour faire de cette journée tant redoutée un doux moment de régression. Il m'a emmenée me perdre dans le labyrinthe d'Alice, tournoyer dans les tasses à l'heure du thé, jouer les pirates et m'envoler dans l'espace. J'ai quatre ans et demi, je cours partout, je saute dans tous les sens, je veux faire trois fois toutes mes attractions préférées. Il me prend en photo en train de faire l'idiote. Et s'arrête. Me regarde. Et sourit. Rah, ce sourire-là ! Je respire. C'est à ça que ça sert, un troisième poumon. Si on vit très bien avec deux poumons, il y a des moments où je me demande comment.
La prochaine fois, on reviendra avec un mètre, j'ai l'intention de me faire construire le château de la Belle au bois dormant dans ma future ferme, avec mes chèvres et mes vignes. Et je l'ai nommé architecte du projet. Il m'a répondu : "Ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants."
Tais-toi et monte.