Peut-être bien. Qu'en fait, cette nouvelle vie m'emmerde. Calme, routine et politesses. J'ai l'impression qu'elle me force à me stabiliser. Et je ne dois pas vraiment en avoir envie. Trop jeunes. Trop sages, surtout. Où va la jeunesse ? Trop fatigués pour aller boire un verre, et puis y'aura plus d'métro, et puis on a cours tôt demain. Moi, à vôtre âge... Voilà, ça recommence. Je vous préviens, je vais me mettre à parler comme un vieux crouton.

A leur âge, ou peut-être un peu avant, on restait jusqu'à pas d'heure dans le café d'en face. Et on terminait la soirée sur les quais, entre une flaque de pisse et un énorme rat sauvage. Ou sur le toit d'un immeuble. D'un lycée des beaux quartiers, pour être plus précise. On rentrait par le premier métro. Ou le deuxième. A peine le temps de prendre une douche, d'avaler un café et d'attraper mes feuilles de cours. Elles me manquent, ces années. Les discussions du petit matin, devant le comptoir. Le même. Moi devant mon café. Parfois lui, devant sa bière. Elle, derrière, nous commentait le journal.
A leur âge, j'enchainais souvent deux nuits blanches, sans problème. A leur âge, je retrouvais mes cours en accordéon au fond de mon sac. Et je ne savais absolument pas ce que je voulais faire de ma vie.

Eux, dans trois ans, ils sont diplômés. Ils relisent leurs cours, font des fiches, lisent des livres. Ils semblent savoir où ils vont. Ils semblent être chargés de responsabilités et ça fiche un peu la trouille. Alors ça me fait un peu bizarre, j'ai l'impression que je recommence ma vie dans un autre monde. Et je ne sais pas si j'en ai envie.

Tout remettre en questions. Une fois de plus.
On va peut-être attendre encore un peu. Histoire de terrasser l'espoir, une fois pour toutes.