Il faut peut-être que je te raconte le contexte avant de passer du coq à l'âne comme dans une partouze à la ferme en parlant de mon crush inaccessible avec qui je passe des heures au téléphone comme lorsque j'avais quinze ans et que j'interceptais les factures téléphoniques de mes parents. Ouais. Donc tu connais la fin, puisque crush il y a. Le chemin est toujours plus intéressant que la destination, alors le chemin avec moi tu subiras.

Ma relation avec Pierre Lapin a commencé à tanguer très fort l'an dernier.
Ça s'est déclenché en avril 2020, quand je lui ai parlé de la proposition de mutation que je venais de recevoir. Mais, ce qui a fait tanguer notre relation, c'est avant tout l'état d'esprit dans lequel il était. Qui est apaisé depuis que son divorce a été (enfin) prononcé, et surtout depuis qu'il a récupéré la garde exclusive de sa progéniture...
Sauf que ça ne retire rien à ce qu'il s'est passé. J'ai vu une facette de Pierre Lapin que j'aurais préféré ne jamais voir. C'est un requin. Il peut être d'une froideur déconcertante et inquiétante.
Il m'en a voulu d'avoir refusé de me mêler de leur histoire. Et, s'il n'avait pas obtenu tout ce qu'il voulait, je sais que j'aurai dû définitivement dire adieu à nos liens, jusqu'à notre amitié. Quand on connaît ne serait-ce qu'une toute petite partie des tenants et des aboutissants de l'affaire, c'était plutôt mal barré.
Malgré tout ce que je sais d'elle, je n'aurais pas aimé être à la place de son ex-femme. Il ne supporte pas que j'éprouve de la compassion à son égard. Oui, de ce que j'ai constaté par moi-même et à différentes reprises, elle est cinglée, manipulatrice et met en péril la construction psychique de ses enfants. Mais non, je ne peux pas me réjouir de la situation. Je ne peux pas me réjouir que ses enfants aient vu leurs parents se déchirer pendant plus de deux ans. Je ne peux pas me réjouir qu'ils aient été pris à partie par l'un et par l'autre. Si ce qu'elle a fait était particulièrement immonde, Pierre Lapin n'est pas tout blanc non plus. Tu ne gagnes pas un procès comme celui-là sans te salir les mains. Je ne peux pas me réjouir qu'ils soient privés de leur mère et réciproquement. Je ne peux pas me réjouir qu'ils grandissent tiraillés entre leurs parents. Je ne peux pas me réjouir de ce qu'ils vont penser, lorsqu'ils seront en âge de comprendre ce qu'il s'est passé.
J'ai essayé d'en discuter avec lui, il ne veut pas entendre mon point de vue. Il reste campé sur ses positions : il a pris la meilleure décision pour ses enfants, point. C'est, entre autres, ce qui me freine. Il imaginait qu'une fois le divorce prononcé, nous allions pouvoir officialiser notre relation, auprès de ses enfants et auprès de notre entourage. J'adore ses enfants, c'est une certitude, mais c'est justement ce divorce, la manière dont il s'est déroulé et ses conséquences qui constituent la raison pour laquelle je ne veux pas devenir leur marâtre.
J'étais déjà dans leur vie avant de me mettre en couple avec leur père, et j'espère l'être encore si nous décidions un jour de rompre. Ça me convient bien d'être une amie qui passe très souvent à la maison pour jouer, pour se balader, et pour dîner. Qui dort parfois là. Mais qui ne vit pas là. Et qui ne prend pas de décision qui les concerne. La vie de ces mômes a déjà suffisamment été chamboulée comme ça pour que j'y mette mon grain de sel. Le risque de séparation avec Pierre Lapin est encore bien trop grand à l'heure actuelle.
Peut-être que c'est illusoire, je ne me tiens pas vraiment à l'écart. Pour bien faire, il faudrait sans doute que je ne fasse rien.