Parce qu'il m'est impossible de ne pas me laisser piéger. Il est tout ce que je recherche, tout ce dont j'ai besoin. Il est imprévisible, il aime faire plaisir, il aime voyager, il aime manger. Il aime vivre. Ça en fait au moins un. Autant dire qu'il vit au-dessus de ses moyens. L'argent n'a pas de valeur. Et ça peut lui prendre à n'importe quelle heure.
Comment résister ?

Message.
"Je t'ai acheté des billets, t'as plus qu'à les imprimer."

D'habitude, j'évite. Mais là, je ne tiens plus. Je me connecte du bureau et me précipite sur ma boite mail. Des billets. Pour ma Natale Capitale. A. Dix-sept heures. Ce. soir.
Mais je serai jamais à la gare à cette heure-là ! Prenons les choses dans l'ordre. D'abord, tu imprimes et tu cours à la photocopieuse pour récupérer tout ça, avant de te faire griller par la secrétaire. Elle a l'œil.
"Si c'est une fiche d'accueil, tu peux m'en faire une copie ? Comme ça, je l'aurai."
Euh non, non. C'est pas une fiche d'accueil. C'est les listes pour les activités de soutien.
Heureusement que mon cerveau a eu le réflexe d'accélérer la cadence.
Ma référente de stage est devant l'écran. Merde, est-ce que j'ai fermé la page ?
Deuxième étape. Demander au chef de service de récupérer mes heures sup'. Ce soir. Comment est-ce que je vais tourner ça ? Il est même pas dans son bureau !
Aubaine. Je vois l'éducatrice remplir une demande de récupération. Forcément, on a quasi le même planning.
Ben justement, je me demandais si ça posait problème que je récupère aujourd'hui.
"Tu fais ce que tu veux. Vois avec chef-chef."
Conciliante. En fait, c'est juste qu'elle s'en fout, je suis totalement superflue et interchangeable. Pour une fois que ça m'arrange.

Qu'est-ce qu'il me fait pas faire ! Faut que je rentre chez moi, en plus. Je ne peux pas y aller avec les cheveux sales et mes vieilles Doc trouées. Zizanie, t'es au courant qu'il pleut-neige-grêle, tout ça à la fois ? Donc, c'est pas le moment de sortir tes échasses. Ferme-la, tu veux ? Je prends juste ma brosse à dents, je reviendrai à la première heure, demain. Parce que c'est pas tout, mais je suis en stage. J'oublie démaquillant et boite à lentilles. Pas grave, je pousserai la chansonnette. I was made for loving you, baby. Je prends le risque de rater le train pour me ravaler la façade. Et puis, j'ai plus rien à me mettre. C'est la catastrophe. Le pire, c'est que cette fois, c'est vrai. Je suis vraiment très en retard dans mes lessives. Tant pis, rien n'entamera mon euphorie. Je suis montée sur ressorts. Boing, boing.

Le coup de tête du jour. M'emmener au resto. Chez le seul chef (triple) étoilé chez qui j'ai toujours eu envie de manger. Pourtant, je suis pas adepte des restos. De la grande cuisine non plus. Payer une fortune pour un joli plat. Mouais. Mais là. Il faudrait être fou pour refuser. Un dîner chez. Alain Passard.
Conclusion. Je n'étais pas dans l'illusion.
On m'achète avec des légumes. Bang, bang.