Et c’est reparti pour une fournée de Soupe au lait et cœur d’artichaut.
Résumé de l’épisode précédent : Zizanie part s’enterrer en pleine Burgondie pour sortir du droit chemin une vieille histoire jamais commencée. Après plusieurs jours de travail au corps intensif, elle arrive à ses fins.

Je finis par retourner dans le Grand Nord Hostile, laissant Cuillère à ses réflexions couplesques. Une semaine plus tard, il m’annonce qu’il a rompu avec sa nana. Je pousse un « Keuwaaah ? » digne d’une Brenda dans Le Cœur a ses raisons. Pas capable d’assumer. Pas non plus envie non plus de me consoler dans ses bras pour le jeter une fois que je me serais remise sur pieds. On sait très bien comment se terminent les relations-pansement. Il me dit que de toute façon, il ne l'avait pas fait pour moi. Qu'il ne se voyait pas rester avec une nana qu'il était capable de tromper. Soupir de soulagement. On se revoit, mais nos rencontres n'ont plus la saveur du défi. On passe de bons moments. Comme de vieux potes. A regarder des sitcoms. A s'envoyer en l'air. Plus pour occuper nos hormones que par réelle envie de se mélanger. Et puis, faut dire ce qui est. Baiser dans un paquet de ouate, ça va bien deux minutes. J'ai aussi et surtout besoin d'action.

Entre temps, Chaton s'affole. Son « sixième sens féminin », comme il l'appelle. Il est sûr que j'ai un amoureux. Je ne nie pas, je ne confirme pas. Je lui fais comprendre qu'il a oublié mon anniversaire. Ouch. La meilleure défense étant l'attaque, il me reproche de ne pas l'avoir accepté dans mes contacts sur Facebeurk. Il n'aurait pas oublié, comme ça. Admirez. En fait, je m'en tape un peu de mon anniversaire. C'est pas un âge qui se fête. C'est juste qu'il y a un tel décalage entre son discours et ses actes. On finit quand même par se sauter dessus. Je n'ai aucune volonté. Aucune. M'en fous, je considère que je ne suis plus avec. Je suis seulement incapable de lui résister. Tu parles. Je rentre chez moi avec des marques sur tout le corps. Qui parlait d'action ? Sauf qu'évidemment, il ne donne plus signe de vie. Je descends dans ma Natale Capitale le week-end suivant. Je l'informe que je suis de passage. On se voit. On se mélange. Il me demande en mariage. Je lui réponds qu'on en reparlera quand je serai grande. Et il disparaît pendant plus de quinze jours. Je me dis qu'enfin, ça rentre dans ma petite tête. Il n'en a juste rien à foutre de ma gueule. Je sens bien que je fais n'importe quoi.

Et puis dimanche. Il me voit connectée. Effectivement, c'est rare. Il fait son Calimero, option drama queen. Il m'appelle, on parle deux heures. Il baisse les armes. Il me montre enfin le Chaton que j'attendais. Il me dit qu'il a reporté son départ à Flamencoland. Parce qu'il voulait pas s'éloigner de moi. Il me dit que notre relation, telle qu'elle est, ne lui convient pas. Qu'il veut pas me partager. Qu'il ne supporte pas l'idée que je voie quelqu'un d'autre. Il me dit qu'il a besoin de moi dans sa vie. Qu'il a envie d'être avec moi pour fêter notre premier anniversaire. Du discours de beau parleur, quoi. Sauf que je ne résiste pas aux beaux parleurs. Je suis une faible femme. Je lui rappelle quand même qu'il peut toujours parler d'anniversaire après avoir oublié le mien. Je vois pas pourquoi je me priverais de lui faire payer. Au moins jusqu'au prochain.

Il débarque le lendemain, à l'aube. On passe la journée ensemble. En Gelbique. J'en profite pour aller dévaliser un magasin en particulier, qu'on ne trouve pas de l'autre côté de la frontière. Rayon futilités. Il m'accompagne sans broncher. Alors que je prends mon temps à essayer tous les rouges à lèvres, tous les crayons, tous les fards. Patient, l'animal. Il se repeint même les ongles avec du  vernis rouge à paillettes quand que j'ai le dos tourné. J'ai donc été obligée d'acheter un flacon de dissolvant rien que pour lui. Et non, c'est pas parce qu'il était pourvu d'une pompe innovante, genre t'appuies ton coton dessus. Même pas tu risques de renverser tout le contenu du flacon sur ton parquet. Oui, j'ai un côté définitivement pouffe, quand il s'agit de cosmétiques. Ça fait des années que je rêve d'une formation de make-up artist. V'là autre chose, on en apprend tous les jours. Oui, sauf que c'est un peu inaccessible, pour le moment. Vu les tarifs pratiqués par les écoles. Donc, en attendant, je me ruine. Et ma chambre se transforme petit-à-petit en rayon d'une grande chaine de distribution de produits de beauté bien connue. Fin de l'interlude pouffiassier. Il m'emmène au resto, prend une chambre dans un hôtel avec plein d'étoiles à l'intérieur. Il me sort le grand jeu. Je ne suis pas dupe, notez. Ce qui ne m'empêche pas d'avoir le sourire jusqu'aux oreilles et les yeux qui pétillent. Et. Le clou du spectacle. Il me dit qu'il n'avait pas terminé sa demande en mariage, la dernière fois. Bam, la bague. Non, pas une bague sortie d'une bijouterie. Une bague ancienne, en argent. Avec un lapis-lazuli dessus. La bague de ma vie, quoi. Va savoir pourquoi le lapis-lazuli est ma pierre préférée, alors que j'aime pas le bleu. On n'est plus à une contradiction près. Et je ne porte que des bijoux en argent. Ancien, de préférence. Au moins travaillé. Sinon, ça n'a pas d'intérêt. J'aime les bijoux qui ont une histoire. Déjà, pour la première bague qu'il m'avait offert, il avait tapé juste. Là, il a dépassé toutes mes espérances. Il a su mieux que moi ce que j'allais aimer. Je ne suis pas le genre de fille à fondre devant un solitaire. Là. J'ai été incapable de résister. Oui, je suis vénale. Et fiancée, donc. Mais je peux toujours rester fiancée jusqu'à la fin de ma vie. Ce que je me suis empressée de lui préciser. Et si j'accepte de me marier, il fait des concessions sur les nains et la petite vie tranquille à Flamencoland.

Je sais que ça ne durera pas, cette euphorie nirvanesque au pays des licornes roses, des arcs-en-ciel et des zoziaux transgéniques. Je ne suis pas stupide. Je sais juste qu'on est incapable de se quitter. Alors j'en prends mon parti. Inutile de me mentir. Je l'ai dans la peau. J'ai besoin de lui dans ma vie. On s'est promis d'éviter de tout gâcher. Avec nos egos démesurés, notre manque de confiance en soi, nos névroses et nos craintes.