Eh. Toi là. Derrière ton écran. J'sais pas si t'es encore là, d'ailleurs. Peu importe. A vrai dire, pas vraiment peu importe. J'me sens un peu moins seule si je crois que tu es là. Alors j'vais m'accrocher à mes croyances. Parce que c'est pas drôle de se sentir seule. J'aime la solitude, pourtant. C'est pas le problème. Est-ce qu'on a dit qu'il y avait un problème ? Non. J'ai juste envie de scribouiller. Tu veux bien ? On fait comme d'hab', on prend un thé, moi je parle et toi tu écoutes ? Moi j'écris et toi tu lis. Parce que c'est ça, le truc. J'me retrouverais devant toi, pour de vrai, j'aurais rien à te dire. J'parle jamais de mes états d'âme. Je me contente de les écrire.

Tu sais, ma procrastination va peut-être me séparer de mon blog. J'ai pas tout compris, mais j'crois que je dois faire une mise à jour d'un truc du blog sinon mon hébergeur, il va le renier. Sauf que j'arrive pas à la faire. En fait, comme d'hab', j'ai peur de ne pas y arriver, de tout casser, et de passer des heures dessus pour rien. C'est mon problème. Faire des efforts sans être sûre du résultat. Ouais, parce qu'il y a longtemps, je lui avais demandé de se mettre à jour, et il m'avait répondu qu'il pouvait pas le faire tout seul et qu'il fallait que je l'aide. En gros, c'était ça. Et j'ai pas eu envie de me salir. Tant que ça fonctionnait, j'allais pas m'embêter. Et puis, tu veux que je te dise. Ma bécane est pleine agonie. D'une. Déjà qu'on avait du lui faire une greffe de cerveau, quand elle s'était écrasée sur le sol et qu'elle ne voulait plus se rallumer. J'en avais qu'un tout petit en stock. Qui ne peut pas retenir grand chose, cet abruti. Et pas de deux. Voilà, tout ça pour dire que c'est compliqué. Tout est compliqué. Et que je me rends bien compte que je me noie dans un verre d'eau.

Ouais, j'te parle de mon blog. Pour te prévenir de son éventuelle prochaine mort imminente. Comme ça, t'es au courant, si jamais un jour tu te rends compte qu'il a disparu. Tu peux mettre en cause ma procrastination, pour non assistance à entité en danger. Ouais, c'est peut-être pas une personne, faut pas déconner. Et qu'on a mieux à faire que de légiférer sur le droit de vie ou de mort d'un blog.
Ouais, j'te parle de mon blog. Mais en vrai, c'est comme ça pour tout. Quand ça me paraît trop compliqué. Quand j'ai peur de foirer. Je ne fais rien. Je t'ai parlé de mon rêve de gosse ? Celui que je voulais réaliser ? Ben j'ai rien foutu pour aller dans le bon sens. J'ai même décidé de rebrousser chemin en retournant dans mon ancienne filière. Dont je n'ai plus grand chose à foutre. Mais là encore, j'ai rien fait pour avancer. Faut dire que j'étais pas extrêmement motivée.

J'ai peur. J'ai peur qu'on me dise non. Non, t'es pas qualifiée. Non, t'es trop vieille. Non t'es trop chère. Non, t'as rien à faire ici. Non, t'es trop moche et trop grosse. Alors je ne fais rien. Je n'ai rien fait.
Plusieurs fois, je suis passée devant une librairie. Et à chaque fois, je me suis dit que ça ne coûtait rien d'entrer, de remonter les commissures de mes lèvres et de demander. Si on voulait bien de moi. A chaque fois, je ne me suis arrêtée que le temps de l'hésitation. A chaque fois, j'ai continué tout droit.

Putain. J'croyais que je pouvais me passer d'un travail en profondeur sur ma peur du rejet. Mais c'est tellement douloureux. Je me suis construite avec. D'aussi loin que je me souvienne, elle était là. Tellement qu'elle est presque identitaire. Elle fait réagir chacun de mes organes. En fait, elle les maîtrise. Elle a le pouvoir. Obtenu par la force et la crainte. Ils se tordent de douleur chaque fois qu'ils la sentent passer.
Alors ouais, faudrait que je m'arme de ma pioche, et que je commence à dégommer les gros cailloux qui se sont empilés les uns après les autres pour ériger les murs de ma forteresse intérieure. Avant de pouvoir creuser. Longtemps. Dans le sang et la sueur.

Et ça, tu vois, j'sais pas si j'ai le courage. C'est tellement plus facile de rêver ma vie plutôt que de la vivre. Mon imagination, elle, est sans limites. Sans contraintes. Sans sanctions. Pourquoi m'embêter à faire des efforts alors que c'est du temps que je pourrais passer tranquillement installée dans ma tête ?