Parce que j’ai voulu vous raconter l’avancée de ma déconstruction. Parce que Docteur Freud tape en plein dans le mille. Parce qu’il ne me ménage pas et ne me laisse pas le balader. Parce que ça me déstabilise. Mais finalement, parce que je ne suis pas prête à. Parce que j’aurais l’impression d’avouer un mensonge. Parce que j’ai tellement eu l’habitude de mentir que je suis incapable de démêler le faux du vrai.

Je pourrais enchainer sur un épisode de Soupe au lait et cœur d’artichaut. Mais ça devient creux. On a fait le tour. Chaton est revenu dans ma vie. En était-il seulement sorti ? J’ai une jolie bague à mon doigt. Et pourtant, je suis certaine que ça ne durera pas. Non, je ne suis pas encore en train de fuir. Non, je ne suis pas encore en train de tout faire capoter. Mais objectivement, Chaton et moi n’avons pas la même vision du monde, pas la même vision de la vie. Pas les mêmes valeurs. Pas les mêmes envies. Pas les mêmes projets. Certes, je l’ai dans la peau. Il me retourne la tête à chaque fois que je le vois. A chaque fois que je l’entends. Certes, je suis incapable de me passer de lui. C’est mon corps qui le réclame. Certes, il a réussi l’exploit de me sortir d’une histoire sans fin. Ne provoque pas Tarabas en duel qui veut. Finalement, c’est tellement plus simple de diffuser un nouvel épisode du soap de ma vie. Ça m’évite de parler de moi. Noyer le poisson, ça je sais faire. Je l’ai fait en long, en large et en travers. Dans ce blog aussi.

Mais si je parle autant de mes histoires d’a. C’est juste parce que c’est le meilleur moyen que j’ai trouvé pour chercher un peu de bonheur. Ma pudeur me pousse à effacer immédiatement cette phrase. Elle ne colle pas avec mon image de blasée, torturée, qui a tout vu, tout entendu, qui n’a pas sa place dans ce monde. Mon image d’éternelle adolescente. Il parait que c’est la définition du bonheur. Aimer et être aimée.

Et s’aimer, dans tout ça ? S’aimer soi, je veux dire. Aimer son apparence, son image, l’image qu’on renvoie. Aimer ses goûts, son caractère, ses qualités et ses défauts. Ses réussites et ses échecs. Aimer ses origines, ses cicatrices. Aimer d’où on vient. Aimer grandir, vieillir. Aimer sa féminité. Aimer le regard qu’on porte dessus. Aimer prendre le risque de séduire. Aimer prendre le risque qu’on vous trouve jolie. Qu’on vous convoite ou qu’on vous aime. Aimer prendre le risque d’intéresser l’autre.
Sauf que tout ça, je ne sais pas faire. Je n’aime rien de ce qui est dans cette liste. Oui, j’enchaine les conquêtes mais je ne suis pas du tout à l’aise avec ce concept étrange qu’est la séduction. Oui, je sais ce qu’il faut faire pour obtenir ce que je veux. Tant que je garde la main. Dès que l’on m’approche. Je me braque. Je me ferme. Je me transforme en igloo blindé. Il faut m’apprivoiser. Il faut prendre le risque à ma place. Il faut avoir envie d’être mis à l’épreuve. Il faut avoir envie de les surmonter. Je ne joue que lorsque je suis sûre de gagner. Je mets en échec les parties que je risque de perdre. Contrôle, contrôle. Façade. Et peur panique. Surtout. J’en peux plus d’avoir peur de tout. J’en peux plus d’avoir cette image de boxeur qui encaisse les coups sans broncher. J’en peux plus d’avoir cette image d’insensible. Parce que je n’ai pas de réaction quand je vais voir un mec sur son lit de mort. Parce que je n’ai pas de réaction quand je me fais plaquer. Parce que je ne pleure pas. Parce que je ne montre jamais que je suis triste. Être triste, c’est être faible. Marche ou crève. Sauf que ça ne me va plus, comme mot d’ordre. Parce que je me suis perdue derrière tout ce vent brassé. Ces poissons noyés. Ces arbres qui cachent la forêt. Parce que je me suis planquée derrière elle. Longtemps, trop longtemps. Parce que j’ai avancé masquée. Parce que j’ai mis ma vie dans des petites cases pour être sûre que rien ne déborde. Je voudrais juste me retrouver. Me trouver.