Eh merde. Crise de boulimie. Ça avait l'air d'aller mieux, pourtant. Je commençais à me faire du bien. Mais non.

Parce que j'ai l'impression que je n'y arriverai jamais. Encore. Que je me suis surestimée et que je ne suis pas capable d'aller au bout de ce putain de fucking master. Mais ça, j'ai pas le droit d'en parler. On va encore me jeter à la gueule que je finirai par avoir mon diplôme avec mention, comme à chaque fois. Alors évidemment, je me la boucle. Mais putain, je suis déjà épuisée. Physiquement et psychologiquement, surtout. Je croule sous le boulot et j'en fous pas une. Tout me paraît irréalisable. Je ne m'y sens pas bien, dans cette fac. Dans cette promo. Toujours trop jeune. Dans ces cours verticaux. Dans ces grands amphis vides. Dans ces couloirs vides. Mépris et pédagogie inexistante. Et puis, faut dire ce qui est. Je ne suis pas au niveau. Voilà. Je n'ai pas les capacités pour. Autant que je me contente d'un job moyen avec un salaire moyen. T'façon, ce truc me conduira à allonger les listes des surdiplômés de Pôle Emploi. Au mieux. Des gens qui ont perdu leur temps dans une filière qui ne mène à rien, qui n'ont même pas été jusqu'au bout, et qui finiront par retourner grossir l'armée de Ronald. Au pire. Production, efficacité, rentabilité. C'est ça, l'éducation ? Mes illusions et mon optimisme ont pris une sacré claque.

Et puis, j'en peux plus de ne plus avoir d'endroit à moi. Coloc'. Oui, celui-même qui porte le nom de Coloc'. Celui avec qui je cohabitais y'a pfiiiooouuu trois ou quatre ans. Ben avant de débarquer dans le Grand Nord Hostile, quoi. Après un an de matraquage psychologique et de squattages intempestifs, il a élu domicile dans ma chambre. Dans mon lit. Officiellement, en attendant de trouver un appart plus grand. Dans lequel il aurait sa chambre. Et officiellement parce qu'il a trouvé du boulot ici. Ici, précisément. Sauf que, ben j'ai bien l'impression que la situation va s'éterniser. Ça commence bien, je sature déjà. J'ai un besoin vital de solitude, d'isolement, de retrouvailles avec moi-même.
Un besoin irrépressible d’enchaîner les épisodes de séries, de mettre à jour mon lecteur de flux RSS. De dormir toute seule dans mon pieu. De m'enrouler dans ma couette, dans mon plaid, dans mes oreillers, dans mon sweat à capuche informe, dans mon vieux pull bouloché. De cocooning. De dormir la journée et de veiller toute la nuit. Bref. D'être à moi. Et rien qu'à moi. C'est grâce à ces moments que je me suis construite. Aussi. Mes nuits blanches sont mes repères. Mes moments privilégiés pour faire le point. Pour digérer les journées précédentes. Et affronter les journées suivantes.

Un mois que je ne suis plus jamais seule. J'essaye de me lever tôt le matin pour justement pouvoir émerger tranquillement devant mon écran. Ben non, Coloc', même s'il ne commence à bosser qu'à midi, se lève lorsqu'il entend mon réveil. Et puis le soir, lorsque je rentre de ma journée, c'est mon frangin qui a envie de parler. Me harcèle de questions, pour avoir mon avis sur tout et n'importe quoi, me fait la morale entre deux. Et je ne peux pas l'envoyer bouler. Parce que je m'en sens un peu responsable. Parce que c'est mon p'tit frère, et que s'il commence à aller mieux, passe encore ses journées seul. Je vois bien qu'il a besoin d'échanger, de communiquer, d'interagir. Tout ce que je fais en dehors de la maison, quoi. Alors forcément, lorsque je me vautre sur le canapé, j'ai déjà épuisé mon capital social.

Je ne te répéterai pas non plus que. Chaton. Tout ça. T'façon, j'ai pas le droit de me plaindre. Les emmerdes, je les cherche. J'ai tellement peur des conflits. Tellement peur que l'on m'abandonne que je suis capable de tout et n'importe quoi. Surtout n'importe quoi. Mentir, dire oui alors que j'ai envie de dire non, me taire, pousser à bout, m'enfuir.

Culpabilité. Purge. Endorphines. Culpabilité. Découragement.