Fin janvier, toujours.

Oh la bonne idée que de recoucher avec son ex à la veille de son départ à l'autre bout du monde ! Tarabas m'a demandé un coup de main pour faire ses cartons. Prétexte, évidemment. J'ai accepté bien volontiers. Par grandeur d'âme et générosité ? Absolument pas. Tarabas manque à ma vie, et l'occasion était trop belle. Il a fait les choses bien. Il nous a préparé des coxinhas véganisées aux légumes du tonnerre. J'avais oublié combien il était agréable d'être avec un fin gourmet qui adore cuisiner des recettes complexes. On a parlé, parlé, parlé. Pour nous épargner le silence de la tristesse. On a mis des trucs dans des machins. Et des machins dans les choses. Je suis tombée sur le DVD du film qu'on a regardé des centaines de fois, lorsqu'on était ados. Requiem for a dream. Classique. Il a eu un sourire interrogateur. J'ai acquiescé. Une fois installés dans le canapé, c'était déjà trop tard. On s'est rapprochés. On s'est câlinés. On s'est embrassés. On s'est mélangés. Et on a fondu en larmes. En gros sanglots, même. Je n'ai pas réussi à réprimer un « bouhouhou, j'veux pas que tu partes » haché. Il m'a proposé de tout annuler, une fois encore. J'ai répondu qu'il en était pas question, qu'il devait s'en aller. Qu'il avait des choses à faire là-bas, que j'avais des choses à faire ici. Qu'on avait déjà eu beaucoup de chance de vivre tout ça jusque-là. Et que je suis reconnaissante au hasard, au destin, aux astres, à l'évidence, peu importe, de l'avoir mis sur mon chemin. On s'est pris dans les bras. On a ri, les yeux ruisselants. On s'est dit plein de choses gentilles. Et sincères. Je voulais te dire que je t'aime encore.

J'ai réussi à gérer son annonce de départ. J'ai réussi à dépasser mes craintes. Mais aujourd'hui, je doute. Est-ce que je vais réussir à vivre sans lui ? Est-ce que ça vaut le coup de me séparer de lui pour pouvoir m'accomplir ? Est-ce que ce n'est pas égoïste ? Et pourquoi je n'arrive pas à appréhender simplement ce que tout le monde fait sans se poser de questions ? Vivre ensemble, s'engager, faire des enfants, avoir des projets à long terme. Pourquoi ce qui leur paraît être une évidence est pour moi source d'incompréhension ?
Et puis, finalement, j'ai décidé de ne plus m'écouter penser. Je suis mon instinct. Je lui fais confiance, une fois pour toutes. J'ai peur. Très peur. Très peur au point d'en être parfois tétanisée. Je ne sais pas ce qui m'attend. Si j'arriverai à assumer mes choix. Si j'arriverai à être ma propre patronne. Mon propre parent, aussi. A aller chercher mes sources de revenu, avec détermination et culot. Moi, la flemmarde réservée. Si j'arriverai à supporter la solitude. Si je n'aurai pas de regrets. Sauf que je ne peux rien prévoir. Je ne peux que lâcher prise. Faire tout ce qui est en mon pouvoir pour atteindre mes objectifs et laisser le reste, les autres, le temps, le hasard, les obstacles, la chance faire leur œuvre.
Promis, je ne m'éloignerai plus du monastère. Péché confessé à moitié pardonné ?